Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/300

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celui que vous avez envoyé au ciel pour y porter témoignage contre vous, de vous préparer à la punition qui ne pouvait manquer de vous atteindre, et qui s’approche insensiblement en ce moment même…. je m’humilie devant vous, et, dans l’agonie de mon rôle de suppliante, je vous conjure de me laisser expier ma faute.

— Qu’est-ce que tout ce jargon veut dire ? répondit-il rudement. Parlez donc de manière que je puisse vous comprendre.

— Je vais le faire, répliqua-t-elle ; c’est tout ce que je désire. Accordez-moi encore un moment de patience. La main de celui qui a maudit l’assassin s’est appesantie sur nous, vous n’en pouvez douter. Notre fils, notre innocent enfant, sur lequel est tombée sa colère, avant même qu’il vînt au monde, est ici en danger de perdre la vie…. il y est, conduit par votre faute, oui, Dieu le sait, par votre unique faute : car, si la faiblesse de son intelligence l’a entraîné dans ses égarements, n’est-ce pas la terrible conséquence de votre crime ?

— Si vous venez pour m’ennuyer de vos reproches et de vos criailleries de femme…. marmotta-t-il entre ses dents, en essayant encore de passer.

— Non. Je viens pour autre chose, qu’il faut que vous entendiez. Si ce n’est pas ce soir, c’est demain. Si ce n’est pas demain, ce sera un autre jour ; mais il faut que vous l’entendiez. Mon mari, il n’y a point d’espoir pour vous de vous sauver de là…. c’est impossible.

— Et c’est vous qui venez me dire ça ? » En même temps il leva sa main chargé de fers et l’en menaça. « Ah ! c’est vous ?

— Oui, dit-elle, avec une vivacité inexprimable, c’est moi. Mais pourquoi ?

— Sans doute pour me tranquilliser dans cette prison. Pour me faire passer agréablement le temps d’ici jusqu’à ma mort. Pour mon bien…. oui, pour mon bien sans aucun doute, dit-il en grinçant des dents et en lui adressant un sourire avec sa face livide.

— Non, ce n’est pas pour vous accabler de reproches, répliqua-t-elle ; non, ce n’est pas pour aggraver les misères et les tortures de votre situation ; non, ce n’est pas pour vous dire une seule parole amère : c’est au contraire pour vous rendre l’espérance et la paix. Mon mari, mon cher mari,