Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/322

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

relle dans votre cœur ; qu’il faut tendre tous vos nerfs et déployer toutes les facultés et l’influence dont vous pouvez jouir en faveur de votre misérable fils et de l’homme qui vous a révélé son existence. Au moins devez-vous, je suppose, aller voir votre fils, pour lui inspirer l’horreur de son crime et le sentiment du danger qui le menace : car pour le moment il y est insensible. Jugez de ce qu’a dû être sa vie, par ce que je lui ai entendu dire, que si je réussissais à vous déranger le moins du monde, ce ne serait que pour faire hâter sa mort, si vous en aviez le pouvoir, parce qu’elle vous répondrait de son silence !

— Et est-il possible, mon bon monsieur Varden, dit sir John d’un ton de doux reproche, est-il réellement possible que vous ayez vécu jusqu’à l’âge que vous avez, et que vous soyez resté assez simple et assez crédule pour venir trouver un gentleman d’un caractère bien connu, avec une pareille mission, de la part de quelques misérables poussés à bout par le désespoir, et qui se rattacheraient à un fétu ? Dieu du ciel ! ah, fi donc ! fi donc ! »

Le serrurier allait répliquer, mais l’autre l’arrêta.

« Sur tout autre sujet, monsieur Varden, je serai charmé de converser avec vous ; mais je dois à ma dignité d’ajourner cette question à un autre moment.

— Réfléchissez-y bien, monsieur, quand je vais être parti, répondit le serrurier ; réfléchissez-y bien. Quoique vous ayez trois fois, depuis quelques semaines, mis à la porte votre fils légitime, M. Édouard, vous pouvez avoir le temps, vous pouvez avoir des années devant vous pour faire votre paix avec celui-là, sir John ; mais ici vous n’avez plus que douze heures : c’est bientôt passé, et après cela ce sera fini.

— Je vous remercie beaucoup, répliqua le chevalier en envoyant de sa main délicate un baiser en forme d’adieu au serrurier, je vous remercie de votre avis ingénu. Je regrette seulement, mon brave homme, quoique vous soyez d’une simplicité charmante, que vous n’ayez pas avec cela un peu plus de connaissance du monde. Je n’ai jamais été plus contrarié qu’en ce moment d’être interrompu par l’arrivée de mon coiffeur. Que Dieu vous bénisse ! Bonjour. N’oubliez pas, je vous prie, ma commission auprès de ces dames, monsieur Varden. Peak, conduisez M. Varden jusqu’à la porte. »