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Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/36

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CHAPITRE IV.

Quand Barnabé revint avec le pain demandé, la vue du bon vieux pèlerin fumant sa pipe et se mettant à son aise avec si peu de cérémonie, parut lui causer, même à lui, beaucoup de surprise, surtout lorsqu’il vit ce digne et pieux personnage, au lieu de serrer précieusement et avec soin son pain dans son bissac, le repousser négligemment sur la table, et tirer sa bouteille en l’invitant à s’asseoir pour boire un coup avec lui.

« Car, dit-il, je ne m’embarque jamais sans biscuit, comme vous voyez. Goûtez-moi ça. Est-ce bon ? »

Les yeux de Barnabé en pleuraient et il toussait comme un malheureux, tant le grog était fort, ce qui ne l’empêcha pas de répondre que c’était excellent.

« Encore une goutte, dit l’aveugle ; n’ayez pas peur, vous n’en prenez pas comme cela tous les jours.

— Tous les jours, cria Barnabé, dites donc jamais !

— Vous êtes trop pauvre, reprit l’autre avec un soupir. Voilà le mal. Votre mère, la pauvre femme, serait plus heureuse si elle était plus riche, Barnabé.

— Tiens ! comme cela se trouve ! C’est justement ce que je lui disais quand vous êtes venu ce soir, en voyant tout l’or qui brillait au ciel, dit Barnabé rapprochant sa chaise, et regardant attentivement l’aveugle en face. Dites-moi donc. N’y aurait-il pas quelque moyen de devenir riche, que je pourrais apprendre ?

— Quelque moyen ? il y en a cent.

— Vraiment ? Comme vous dites ça ! Eh bien ! quels sont-ils ?… ne vous tourmentez pas, mère, c’est pour vous que je fais cette question, ce n’est pas pour moi… quand je vous dis que c’est pour vous… Quels sont-ils, voyons ? »

L’aveugle tourna sa face, où perçait un sourire de joie triomphante, du côté où la veuve se tenait en grand émoi.