Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/362

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sourire dans chaque pli : je vous assure que son humeur joviale lui perçait par tous les pores et lui montait sous latable tout le long de ses gros mollets : c’était un spectacle à faire tourner en douce crème de bienveillante satisfaction jusqu’au vinaigre même de la misanthropie. Il était là assis, à suivre des yeux sa femme qui décorait la salle de fleurs pour faire plus d’honneur à Dolly et à Joseph Willet, qui étaient allés se promener ensemble et que la bouilloire appelait depuis plus de vingt minutes de son chant le plus engageant, auprès du feu, en gazouillant comme jamais bouilloire n’a gazouillé. On avait aussi pour eux déployé sur la table, dans toute sa gloire, le beau service de porcelaine, mais de vraie porcelaine de Chine, avec des mandarins joufflus qui tenaient de larges parapluies. On avait encore, pour tenter l’appétit du jeune couple, mis en évidence un jambon clair, transparent, juteux, garni de feuilles de laitue verte toute fraîche et de concombre odorant, le tout posé sur une table dressée dans le demi-jour, et couverte d’une nappe blanche comme de la neige. C’était pour satisfaire leur friandise qu’on avait répandu avec tant de profusion des confitures, des marmelades, des gâteaux frisés et d’autres menues pâtisseries, dont on ne fait qu’une bouchée, avec des petits pains nattés, du pain de ménage, des flûtes de pain bis ou blanc : c’étaient eux dont la jeunesse rajeunissait aussi Mme Varden, qui se tenait là toute droite, avec sa robe à fleurs ponceau sur un fond blanc ; bien tirée à quatre épingles, bien cambrée dans son corset, les lèvres aussi vermeilles que les joues, la cheville bien prise, toute riante et de belle humeur, enfin, à tous égards, délicieuse à voir…. Il était là assis, le serrurier, au milieu de tous ces délices et de bien d’autres, comme le soleil qui leur communiquait leur éclat ; le centre du système, entouré de ses satellites ; la source de la lumière, de la chaleur, de la vie, de la joie vive et franche qui égayaient toute la maison.

Et Dolly donc ! ce n’était plus du tout la Dolly que vous connaissez. Il fallait la voir entrer, bras dessus bras dessous avec Joe ; il fallait voir comme elle se donnait du mal pour ne pas en avoir l’air honteuse du tout, du tout ; comme elle faisait semblant de ne pas tenir le moins du monde à s’asseoir à côté de lui à table ; comme elle câlinait le serrurier en lui