Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/42

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et fait à genoux sa prière avec bien des larmes, elle éveilla Barnabé, qui, au premier appel, sauta gaiement sur ses pieds.

Son paquet d’habillements n’était pas bien lourd à porter, et Grip était plutôt un plaisir qu’une gêne. Au moment où le soleil darda sur la terre ses premiers rayons, ils fermèrent la porte de leur maison désormais abandonnée, et partirent. Le ciel était bleu et clair. L’air était frais et chargé de doux parfums. Barnabé, les yeux en l’air, riait à gorge déployée.

Mais, comme c’était un des jours qu’il avait l’habitude de consacrer à ses grandes excursions, un des chiens, le plus laid de tous, vint d’un bond à ses pieds et se mit à sauter autour de lui en signe de joie. Quand il fallut faire la grosse voix pour le faire retourner chez lui, cela coûta beaucoup a Barnabé. Le chien battit en retraite, reculant d’un air moitié incrédule, moitié suppliant ; puis, après avoir reculé quelques pas, il s’arrêta.

C’était le dernier appel d’un vieux camarade, d’un ami fidèle… repoussé désormais. Barnabé ne put supporter cette idée, et, quand il fit de la main, en secouant sa tête, à son compagnon de plaisir et de promenade, le dernier signe d’adieu pour le renvoyer chez lui, il éclata en un torrent de larmes.

« Ah ! ma mère, ma mère, comme il va avoir du chagrin, quand il viendra gratter à la porte et qu’il la trouvera toujours fermée ! »

Il n’était pas le seul à penser au logis ; elle-même, on voyait bien à ses yeux noyés dans les pleurs, qu’elle ne pouvait pas l’oublier ; d’ailleurs elle ne l’aurait pas voulu, ni pour lui, ni pour elle, quand on lui aurait donné tout l’or du monde.