Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/43

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CHAPITRE V.

Dans le catalogue des grâces inépuisables que le ciel a faites à l’homme, celle qui doit occuper la première place, c’est, sans contredit, la faculté que nous avons de trouver quelques germes de consolation dans nos plus rudes épreuves : et ce n’est pas seulement parce qu’elle nous ranime et nous soutient quand nous avons le plus besoin de secours ; mais c’est aussi parce que, dans cette source de consolations, il y a quelque chose, à ce que nous pouvons croire, qui émane de l’esprit divin ; quelque chose de cette bonté suprême qui démêle au milieu de nos fautes une qualité qui les rachète ; quelque chose que, même dans notre chute, nous partageons avec les anges ; qui remonte au bon vieux temps où ils parcouraient la terre, et que, en partant, ils ont laissée derrière eux, par pitié pour nous.

Que de fois, pendant leur voyage, la veuve se rappela, d’un cœur reconnaissant, que, si Barnabé était si gai et si aimant, il le devait surtout à l’infirmité de son esprit ! Que de fois elle se répétait que, sans cela, il aurait été triste, morose, dur, éloigné d’elle, qui sait ? méchant et cruel, peut-être ! Que de fois elle trouva une consolation dans la force de son fils, une espérance dans la simplicité de sa nature ! Le monde était pour lui un monde de bonheur. Il n’y avait pas un arbre, une plante, une fleur, un oiseau, une bête, un faible insecte déposé sur l’herbe par le souffle de la brise d’été, qui ne fût un plaisir pour lui ; et le plaisir de son fils était aussi le sien. Dans les conditions de sa vie, que de fils plus sensés auraient été pour elle un sujet de chagrin, pendant que ce pauvre idiot, avec la faiblesse de son esprit, remplissait le cœur de sa mère d’un sentiment de reconnaissance et d’amour !

Leur bourse était bien légère : mais la veuve avait retenu pour elle une guinée du petit trésor qu’elle avait compté dans la main de l’aveugle ; avec quelques pence qu’elle avait ramassés d’ailleurs, cela valait, pour leurs habitudes