Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/63

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prêt à agir sérieusement, je suppose, hein ? C’est à vous que je parle, ajouta-t-il en poussant rudement du coude Barnabé. Qu’est-ce que vous faites là à bayer aux corneilles ? Pourquoi ne répondez-vous pas ? »

Barnabé, en effet, n’avait d’yeux que pour son drapeau. Pourtant, sur cette apostrophe, il promena un regard hébété du bourreau au camarade Hugh, qui dit à l’autre :

« Il ne sait pas ce que vous voulez lui dire ; attendez, je vais le lui faire comprendre. Barnabé, mon vieux, écoute-mci bien.

— Je vais vous écouter, dit-il en regardant autour de lui avec inquiétude ; mais je voudrais bien la voir, et je ne la vois pas.

— Voir qui ? demanda Dennis d’un ton bourru. Seriez-vous par hasard amoureux ? j’espère que non. Il ne manquerait plus que ça. Nous n’avons que faire d’amoureux ici.

— Ah ! qu’elle serait fière de me voir comme ça ! hein ? Hugh, dit Barnabé. Comme elle serait contente de me voir à la tête de ce grand spectacle ! Elle en pleurerait de joie, j’en suis sûr ; où donc peut-elle être ? Elle ne me voit jamais à mon avantage ; et pourtant, qu’est-ce que ça me fait d’être gai et pimpant, si elle n’est pas là pour en jouir ?

— Bon ! voilà-t-il pas un beau céladon ! s’écria M. Dennis avec le plus suprême dédain. Ah çà ! est-ce que vous croyez que nous prenons dans l’Association des amoureux pour faire du sentiment ?

— Ne vous tourmentez pas, frère, lui dit Hugh. C’est de sa mère qu’il parle.

— De sa quoi ? dit M. Dennis avec un abominable juron.

— De sa mère.

— Et vous croyez que je suis venu me mêler à cette division-ci, que je suis venu prendre part à ce jour mémorable pour entendre des petits garçons appeler leurs mamans ! répondit en grondant M. Dennis avec le plus profond dégoût. L’idée d’une maîtresse, c’était déjà assez ennuyeux ; mais une maman ! »

Et il en eut si mal au cœur, qu’il cracha par terre sans pouvoir ajouter un mot.

« Barnabé a raison, cria Hugh avec une grimace. Mais je vais vous dire, mon garçon ; regardez-moi bien, mon brave.