Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/69

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« Voulez-vous me faire le plaisir de dire à ces gens-là, milord, que c’est moi qui suis le général Conway, dont ils ont entendu parler ; que je suis opposé à leur pétition et à toute leur conduite dans cette affaire, ainsi qu’à la vôtre ? Veuillez bien leur dire aussi que je suis militaire, et que je saurai protéger la liberté de la chambre le sabre en main. Vous savez, milord, que nous sommes tous armés ici aujourd’hui ; vous savez que le passage pour aborder la chambre est étroit, et vous n’ignorez pas qu’il y a pour le défendre des gens déterminés, qui feront tomber sans vie plus d’un des vôtres, si vous les laissez persévérer. Faites attention à ce que vous allez faire.

— Et moi, milord Georges, dit l’autre gentleman, s’adressant à lui de même, j’ai besoin de vous dire, moi, le colonel Gordon, votre proche parent, que s’il y a, dans cette foule qui nous assourdit de ses cris, un homme, un seul homme qui franchisse le seuil de la chambre des Communes, je donne ici ma parole d’honneur qu’au même instant je passerai mon sabre au travers, non pas de son corps, mais du vôtre. »

Là-dessus, ils remontèrent les marches à reculons, le visage toujours tourné vers la foule, prirent le noble lord mal inspiré par ses ardeurs religieuses, chacun par un bras, l’entraînèrent par le corridor et fermèrent la porte, qu’on entendit à l’instant barricader en dedans.

Tout cela fut si vite fait, et la mine que faisaient les deux gentlemen, qui n’étaient pas de jeunes fous, était si brave et si résolue, que, ma foi, les gens de l’émeute n’étaient pas fiers et se regardaient les uns les autres d’un air timide et chancelant. Il y en avait déjà qui se retournaient du côté des portes. Quelques autres encore, moins hardis, criaient qu’il n’y avait plus qu’à s’en aller, et demandaient qu’on leur livrât passage : la confusion et la panique s’accrurent rapidement. Gashford parlait tout bas avec Hugh.

« Eh bien ! cria ce dernier de toutes ses forces, pourquoi donc vous en aller là-bas, vous autres ? Où pouvez-vous donc être mieux qu’ici ? une bonne poussade contre cette porte et une autre en même temps à la porte d’en bas, et le tour est fait. Allons, hardi ! Quant à la porte en dessous, laissez reculer ceux qui ont peur, et que ceux qui n’ont pas peur rivalisent à qui passera le premier. Tenez ! vous allez voir. »