Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/77

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— Venons-nous-en, cria Hugh, marchant à grands pas vers la porte ; Dennis, Barnabé, venons-nous-en.

— Où cela ? quoi faire ? dit Gashford, passant devant lui et s’appuyant contre la porte, pour l’empêcher de sortir.

— N’importe ou ! n’importe quoi ! cria Hugh. Otez-vous de là, notre maître, ou nous allons sauter par la fenêtre ; ça reviendra au même. Laissez-nous partir.

— Ha ! ha ! ha ! quels… quels gaillards ! dit Gashford qui tout à coup, changeant de ton, prit celui d’une familiarité plaisante et railleuse. Quelles natures inflammables ! Ah çà ! ça ne vous empêchera toujours pas de boire un coup avant de partir ?

— Oh, non ! certainement, » dit Dennis en grognant et en essuyant d’avance ses lèvres avides avec sa manche. Pas de rancune, frère ; buvons un coup avec maître Gashford. »

Hugh essuya la sueur de son front et laissa reparaître sur sa face un sourire, pendant que l’artificieux secrétaire riait à gorge déployée.

« Allons ! garçon, à boire, et dépêchons-nous, car il ne s’arrêtera pas ici davantage, pas même pour boire un coup. C’est un luron si déterminé ! dit le doucereux secrétaire auquel M. Dennis répondait par des signes de tête et des jurons qu’il marmottait entre ses dents. Une fois piqué au jeu, voyez-vous, ce garçon-là ne se connaît plus. »

Hugh balança son poing robuste en l’air, et en assena un bon coup à Barnabé dans le dos, en lui disant : « N’aie pas peur. » Après quoi ils se donnèrent une poignée de main, Barnabé étant toujours évidemment sous l’empire de la même pensée, qu’il n’y avait pas au monde un héros aussi vertueux, aussi désintéressé que lui ; ce qui faisait rire Gashford encore plus fort.

« J’ai entendu dire, ajouta-t-il tranquillement, en versant dans leurs verres, à mesure qu’ils les vidaient, autant de liqueur qu’ils en voulaient et répétant, à leur gré, cet exercice, j’ai entendu dire, mais je ne sais pas si c’est vrai ou si c’est faux, que les gens qui sont à flâner ce soir dans les rues, seraient assez disposés à aller démolir une ou deux chapelles catholiques, s’ils avaient seulement des chefs. On m’a même parlé de celle de Duke-Street, aux Champs de Lincoln’s-Inn, et de celle de Warwick-Street, dans Golden-