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Page:Dickens - Barnabé Rudge, tome 2, Hachette, 1911.djvu/98

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portant avec soin, pour leur usage, tous les outils et les engins de destruction qu’ils rencontrèrent, tels que marteaux, fourgons, haches, scies, et autres instruments de ce genre. Un grand nombre d’émeutiers les passaient dans des ceinturons qu’ils se faisaient avec une corde, un mouchoir, ou tout ce qu’ils trouvaient de bon pour cela sous leurs mains ; et ils portaient ces armes improvisées aussi ostensiblement qu’un sapeur du génie qui va déblayer le champ de bataille. Pas le moindre déguisement, pas la moindre dissimulation, et même, ce soir-là, très-peu d’excitation et de désordre. Dans les chapelles, ils arrachèrent et emportèrent jusqu’à la pierre de l’autel, les bancs, les chaires, les chaises, les dalles mêmes ; dans les maisons particulières, ils mirent en pièces jusqu’aux lambris et jusqu’aux escaliers. Cette petite fête du dimanche fut par eux accomplie comme une tâche qu’ils s’étaient donnée et qu’ils voulaient faire en conscience. Il n’aurait pas fallu cinquante hommes bien résolus pour leur faire tourner le dos. Une simple compagnie de soldats les aurait dispersés comme la paille-au vent ; mais il n’y avait personne pour les empêcher, pas d’autorité pour les réprimer, ou, pour mieux dire, n’était la terreur des victimes qui fuyaient à leur approche, personne ne faisait à eux plus d’attention que si c’étaient des ouvriers à la tâche, faisant leur travail régulier et légal avec beaucoup de décence et de tenue.

Ils marchèrent de même, avec ordre, au lieu du rendez-vous, allumèrent de grands feux dans les champs, et, gardant seulement ce qu’il y avait de plus précieux dans leur butin, ils brûlèrent le reste. Les ornements sacerdotaux, les images des saints, de riches étoffes et de belles broderies, la garniture de l’autel et le trésor de la sacristie, tout devint la proie des flammes, qui bientôt éclairèrent le pays alentour. Pendant ce temps-là ils dansaient, ils hurlaient, ils vociféraient autour de ces feux jusqu’à s’en rendre malades, sans être un seul moment troubles par personne dans ces exercices édifiants.

Quand l’attroupement quitta le théâtre du désordre et enfila Welbeck-Street, ils rencontrèrent Gashford, qui avait été témoin de toute leur conduite, et marchait d’un pas furtif le tong du trottoir. Arrivé à sa hauteur, Hugh, marchant de