Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/111

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dor étroit et sombre, au carrelage raboteux, conduit les clients à la porte du procureur ; cette porte peinte en noir est située dans un angle profondément ténébreux, même par la plus belle matinée de juin, formé par la cloison de l’escalier, contre laquelle se heurtent les clients surpris par cette obscurité. L’étude est si petite que l’un des clercs peut ouvrir la porte sans quitter son tabouret, pendant que son camarade, qu’il touche du coude, attise le feu avec la même facilité ; l’odeur de mouton malade qu’on y respire en même temps qu’une senteur de vieille poussière et de moisissure, est due à l’énorme quantité de chandelles qui s’y brûlent, ainsi qu’au froissement du parchemin qu’on remue sans cesse dans les tiroirs graisseux. L’air y est épais, la chaleur étouffante ; on ne connaît plus l’époque où la muraille fut passée à la chaux ; les deux cheminées, qui fument de temps immémorial, ont couvert le plafond et les murs d’une épaisse couche de suie ; et la fenêtre, abominablement sale, ne veut rester ouverte que lorsqu’elle y est contrainte, ce qui explique l’habitude où l’on est de lui mettre de grosses bûches entre les mâchoires pendant les grandes chaleurs.

M. Vholes passe pour un homme très-respectable ; il n’a pas beaucoup d’affaires ; mais il est très-respectable, de l’aveu même de ses heureux collègues dont la fortune est faite. Il ne manque jamais un bénéfice quelconque et ne se donne aucun plaisir. Il est sérieux, réservé, ce qui est une preuve de plus de son caractère respectable ; ses digestions sont pénibles, chose éminemment respectable ; de plus il écorche les gens pour établir ses filles et soutenir son vieux père dans la vallée de Taunton.

Le principe fondamental de la jurisprudence anglaise est d’entretenir la chicane et d’occuper les gens de loi. C’est la seule chose qui ressorte nettement de ses mille et un détours. Envisagée à ce point de vue, elle forme un ensemble dont les parties s’enchaînent avec logique, et n’est plus ce monstrueux dédale que les profanes supposent. Montrez clairement à tout le monde que la loi n’a pour but que de faire de la procédure aux dépens du public, et chacun cessera de s’étonner et de se plaindre ; mais la masse qui ne fait qu’entrevoir confusément cette vérité et qui souffre dans son repos et dans sa bourse, y met de la mauvaise grâce et murmure énormément ; c’est alors que la réputation respectable de M. Vholes devient contre elle un argument sans réplique. « Abroger ce statut, mon cher monsieur ! dit Kenge à un client irrité, non, jamais ; du moins si l’on me consulte ; savez-vous, monsieur, quel serait l’effet d’une pareille