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imposante ; surtout un beau trois-mâts qui arrivait des Indes, et qui était dans le port depuis la veille au soir. Enfin, quand le soleil brilla entre les nuages, créant de petits lacs argentés au milieu des flots sombres, quand sa lumière vint éclairer tous ces navires et que les bateaux se détachèrent du rivage pour le service du port, le spectacle animé que nous avions sous les yeux fut vraiment admirable. Une foule de petites barques entourait ce beau navire des Indes, et nous pensions à la joie que devaient éprouver les passagers de se voir enfin au terme de leur voyage. C’était pour Charley une source inépuisable de questions qu’elle m’adressait avec curiosité sur la distance qu’il y avait de Londres à Calcutta, sur la chaleur qu’il y faisait, sur les tigres, les serpents ; et comme elle retenait beaucoup mieux la géographie et l’histoire naturelle que la grammaire, je lui appris tout ce que je savais à cet égard. Je lui dis, en outre, qu’il arrivait souvent que le vaisseau fût brisé par la tempête sur des rochers où l’intrépidité d’un seul homme parvenait quelquefois à sauver tous les autres ; l’enfant m’ayant demandé comment cela pouvait se faire, je lui racontai le naufrage qui avait eu lieu précisément dans l’océan Pacifique, traversé par ce beau trois-mâts, et dont je devais les détails à la pauvre miss Flite.

J’avais d’abord pensé à faire prévenir Richard, mais je crus qu’il valait mieux le surprendre ; comme il demeurait à la caserne, je craignais que la chose ne fût difficile et nous allâmes reconnaître les lieux ; mais tout était fort tranquille dans la cour, et un sergent auquel je m’adressai me fit conduire par un soldat, qui, m’ayant fait monter quelques marches, frappa discrètement à une porte.

« Qu’est-ce que c’est ? » dit une voix qui m’était bien connue.

Je laissai Charley dans le corridor, et, entr’ouvrant la porte :

« C’est dame Durden, répondis-je ; peut-elle entrer ? »

Richard, au milieu d’un pêle-mêle incroyable d’habits, de livres, de bottes, de brosses, de portemanteaux gisant par terre, écrivait quelques lettres ; il était à demi vêtu, ne portait pas d’uniforme, avait les cheveux en désordre et le visage bouleversé.

Néanmoins il se leva dès qu’il m’eut aperçue et me prit dans ses bras avec effusion. Pauvre Richard ! il fut toujours le même pour moi et me reçut jusqu’à la fin avec quelque chose de son ancienne gaieté.

« Comment c’est vous ? je ne m’attendais guère à vous voir, s’écria-t-il ; et par quel hasard êtes-vous ici, dame Durden ? il n’y a rien de nouveau ? Éva se porte bien ?