Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/172

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Bleak-House sans lui avoir parlé ; mais je voulais au contraire surmonter cette faiblesse ; et, relevant mon voile, c’est-à-dire le baissant à moitié, je fis porter au docteur une de mes cartes, sur laquelle j’avais écrit que je me trouvais à l’hôtel avec M. Carstone. Il monta immédiatement, et je lui dis combien j’étais heureuse d’être la première à lui souhaiter la bienvenue.

« Vous avez couru de bien grands dangers, monsieur, depuis votre départ, continuai-je ; mais on ne peut pas dire que ce naufrage ait été pour vous un malheur, puisqu’il vous a fourni l’occasion d’être aussi brave que généreux. Nous avons appris tous ces détails avec le plus vif intérêt, et c’est la pauvre miss Flite, une de vos anciennes clientes, qui m’en a donné connaissance, après une maladie fort grave que j’ai faite à cette époque. »

Je me sentais maintenant si à l’aise, que je relevai mon voile tout à fait.

« Pauvre miss Flite ? va-t-elle toujours à l’audience ? demanda M. Woodcourt.

— Toujours, répondis-je ; elle a conservé pour vous une gratitude bien vive. C’est une excellente créature, dont j’ai été à même d’apprécier l’affection.

— Vraiment, dit-il, vous l’avez trouvée bonne et affectueuse ? J’en suis bien heureux ! »

Il était si triste pour moi de l’altération de mes traits, qu’à peine s’il pouvait s’exprimer.

« J’ai été, je vous assure, profondément touchée de l’intérêt qu’elle m’a témoigné à l’époque dont je parlais tout à l’heure.

— J’ai appris avec beaucoup de peine que vous aviez été malade.

— Oh ! très-malade.

— Mais vous êtes tout à fait remise ?

— Complétement ; j’ai retrouvé mes forces et ma gaieté. Vous savez, d’ailleurs, combien notre vie est douce avec M. Jarndyce, et quand on n’a rien à désirer, il est facile de recouvrer la santé. »

Il me sembla qu’il avait plus de commisération pour moi que je n’en avais moi-même, et la nécessité où je me trouvais de le rassurer doublait mon courage et m’inspirait un calme nouveau. Je lui parlai de sa traversée, du séjour qu’il avait fait en Asie, et lui demandai s’il avait le projet d’y retourner.

Il me répondit que la chose était au moins douteuse ; qu’il n’avait pas trouvé que la fortune se montrât plus favorable pour lui aux Indes qu’en Angleterre, et qu’il en revenait simple chirurgien de marine comme il était parti.