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dique, en le poussant du coude, les détours qu’il doit faire et la route qu’il doit suivre.


CHAPITRE XX.

Narration d’Esther.

Pendant la visite que j’avais faite à Richard, il était arrivé à mon adresse un billet de Caroline Jellyby, où elle me disait que sa santé, fort délicate depuis quelque temps, était devenue plus mauvaise, et qu’elle serait bien contente si je pouvais l’aller voir ; elle avait maintenant une petite fille dont j’étais la marraine. La pauvre créature était bien chétive, avec son visage ratatiné, qui disparaissait au milieu de la garniture de son bonnet. Elle avait de petites mains et de longs doigts toujours fermés sous son menton, et passait toute la journée dans la même attitude, les yeux ouverts, à s’étonner, je m’imagine, d’être si faible et si petite ; elle criait chaque fois qu’on la touchait ; mais autrement elle était si patiente, qu’elle semblait n’être au monde que pour rester tranquille et pour rêver ; de petites veines marbraient de noir sa figure et ses mains, comme en souvenir des taches d’encre de la pauvre Caddy ; c’était bien le plus piteux bébé que j’eusse encore vu.

Mais sa mère était habituée à la mine peu flatteuse de son avorton, et trompait les heures qu’elle passait dans son lit, à faire des projets pour l’éducation d’Esther, pour son mariage, pour son âge mûr, voire même pour sa vieillesse. Tous ces projets étaient empreints d’un dévouement si profond à ce malheureux bébé, sa joie et son orgueil, que j’en citerais quelques-uns si je ne me rappelais à temps que j’ai autre chose à raconter.

Pour en revenir à Caroline, elle avait à mon égard une certaine croyance superstitieuse qui s’était développée dans son âme depuis la première visite que j’avais faite à sa mère le soir où elle était venue dans ma chambre, dormir sur mes genoux ; elle était persuadée que ma présence lui était matériellement salutaire ; et bien qu’il n’y eût là qu’un jeu de son imagination, toujours est-il que cette idée acquérait la puissance d’un fait lorsque cette pauvre amie était réellement malade.

Je partis donc en toute hâte le lendemain, et je revins ensuite