Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/237

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Ce fut en vain que nous essayâmes de le faire changer d’avis. Il écouta nos paroles avec cette douceur qui allait si bien à sa figure martiale, mais ne parut pas ébranlé le moins du monde par tous nos raisonnements.

« Monsieur Georges, lui dis-je, ne désirez-vous pas sortir de la position où vous vous trouvez aujourd’hui ?

— Assurément. Tenez, miss Summerson, je voudrais être jugé dès à présent par un conseil de guerre. La chose est impossible, je le sais ; mais veuillez être assez bonne pour m’accorder quelques minutes d’attention : J’ai été pris ; on m’a mis les menottes et conduit en prison ; je suis maintenant un homme déshonoré. La police est chez moi ; elle fouille de fond en comble tout ce qui m’appartenait ; c’est bien, je ne m’en plains pas. Certes, je n’ai pas commis la faute qui m’a fait assigner cette prison pour quartier ; mais cela ne me serait pas arrivé si je n’avais pas fait les cent coups dans ma jeunesse, et couru autrefois la prétentaine ; à présent il s’agit de faire face à ça. »

Il passa la main sur son front et s’arrêta quelques secondes.

« Je suis si peu au fait de la parole, dit-il, que j’ai besoin de réfléchir pour exprimer ma pensée. M. Tulkinghorn était lui-même un homme de loi. Je ne voudrais pas l’insulter à présent qu’il n’est plus ; s’il vivait encore, je n’hésiterais pas à dire qu’il me menait diablement dur, ce qui ne m’en a pas fait aimer davantage les gens de sa profession. Si je m’étais tenu loin d’eux, je ne serais pas aujourd’hui en prison ; mais ce n’est pas là que je veux en venir. Supposez que je l’aie assassiné ; que j’aie déchargé dans son vieux corps l’un de ces pistolets récemment tirés que Bucket a ramassés chez moi et qu’il aurait pu y trouver tous les jours s’il avait voulu s’en donner la peine ; qu’aurais-je fait dans ce cas-là, en supposant que je me fusse laissé prendre ? j’aurais demandé un avocat, lequel se serait présenté devant la Cour, et, comme je l’ai vu maintes fois dans les journaux, aurait dit à mes juges : « Mon client dédaigne de répondre ; mon client réserve sa défense ; mon client par-ci, mon client par-là. » Fort bien ; il n’est pas dans l’acabit de l’espèce de marcher droit et de parler avec franchise. Dire que je suis innocent et prendre un avocat, c’est donc faire la même chose que si j’étais coupable. Il agira tout comme et n’en dira pas plus ; me fermera la bouche pour ne pas me compromettre ; taira ceci, éludera cela ; me tirera peut-être d’affaire ; mais je vous le demande, miss Summerson, est-ce de cette façon-là que je dois sortir d’ici ? J’aime mieux être pendu et agir à ma guise ! Ex-