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portail ; on m’y conduisit bien enveloppée, bien réchauffée, surtout encouragée par la bienveillance dont j’avais été l’objet, et certaine d’avoir la force de continuer ma route. Au moment où nous allions partir, l’aînée des trois sœurs, charmante comme les deux autres, une jeune fille de dix-neuf ans, qui allait bientôt se marier, monta sur le marchepied de la voiture et m’embrassa ; je ne l’ai pas revue depuis lors ; mais je l’ai toujours comptée au nombre de mes amies.

La lumière qu’on voyait par les fenêtres de l’auberge, et qui brillait au milieu des ténèbres extérieures ne tarda pas à disparaître, et nous roulâmes de nouveau dans la boue et dans la neige. Mon compagnon, que j’avais vu la pipe à la bouche dans la salle de l’auberge, avait, à ma demande, continué de fumer sur le siége de la voiture, et paraissait plus disposé que jamais à parler à tout le monde ; il avait allumé sa petite lanterne, et se retournait souvent pour voir comment j’étais. J’avais laissé ouverte la fenêtre pliante du phaéton ; il me semblait qu’en la fermant, j’aurais chassé toute espérance.

Au relais suivant, je compris à sa figure plus sombre qu’il n’avait rien découvert, ni rien appris d’utile ; mais il revint l’instant d’après, sa lanterne à la main, et s’approcha de la voiture avec un visage rayonnant.

« Est-elle ici ? m’écriai-je.

— Non, non, chère demoiselle ; ne vous faites pas d’illusion ; je n’ai rencontré personne ; mais je sais maintenant la route qu’il nous faut prendre. Ainsi donc ne vous inquiétez pas de celle que nous allons suivre ; vous me connaissez, je suis l’inspecteur Bucket ; ayez confiance en moi, ajouta-t-il en secouant la neige qui s’attachait à ses cheveux et à ses sourcils. Nous avons été trop loin ; mais c’est égal ; rassurez-vous ; voici quatre chevaux qu’on met au phaéton… Vite ! mon ami, vite ! et du côté de Londres.

— Nous retournons à Londres ? m’écriai-je.

— Oui, miss Summerson, et le plus vite possible ; n’ayez pas peur, je la rattraperai, c’est de l’autre que je parle ; n’est-ce pas Jenny que vous l’appelez ? Vite, vite, postillon ! six francs de guides. En route, et dépêchons !

— Pensez à celle que nous cherchons, lui dis-je en lui prenant la main ; vous ne pouvez pas l’abandonner par un temps pareil, la nuit, et dans l’état de désespoir où nous la connaissons.

— Ne craignez rien, chère demoiselle ; soyez tranquille ; mais c’est l’autre qu’il faut suivre à présent. À vos chevaux, postillon ! qu’un courrier parte en avant pour que le prochain relais soit