Page:Dickens - Bleak-House, tome 2.djvu/373

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voiture pour lui laisser débiter là tout ce qu’elle voulut bien dire. Allan, resté debout à côté de la portière, n’était pas moins ravi que Caroline, et j’étais moi-même aussi enchantée qu’eux. Je m’étonne d’avoir pu m’éloigner, comme je finis par le faire ; me sauvant toute rouge, ne pouvant m’empêcher de rire, passablement décoiffée et regardant Caroline, qui, de son côté, resta la tête à la portière aussi longtemps qu’elle put nous voir.

Cet incident nous avait retardés au moins d’un quart d’heure, et l’audience était commencée lorsque nous arrivâmes. Ce qu’il y avait de plus fâcheux, c’est que, par extraordinaire, la foule était si grande, que la salle était comble, et qu’il nous fut impossible de voir ou d’entendre ce qui se passait à l’intérieur. Apparemment que c’était quelque chose de très-drôle, car, de temps en temps, des rires et le mot « Silence ! » arrivaient jusqu’à nous. C’était toujours quelque chose d’intéressant et qui réjouissait fort les membres du barreau, car, lorsqu’un des avocats en favoris et en perruque qui se trouvaient parmi la foule redisait aux autres ce qu’il venait d’apprendre, ils mettaient leurs mains dans leurs poches, se tordaient à force de rire, et, n’en pouvant plus, frappaient du pied sur les dalles.

Nous demandâmes à un gentleman, qui était à côté de nous, s’il savait de quelle affaire on s’occupait actuellement. Il nous répondit que c’était de Jarndyce contre Jarndyce. Nous lui demandâmes encore s’il savait à quel point en était la discussion. Il nous répondit que personne ne l’avait jamais su ; mais, qu’autant qu’il pouvait le comprendre, l’affaire était finie.

« Pour aujourd’hui ? m’écriai-je.

— Pour de bon, » répondit-il.

Pour de bon !

Nous nous regardâmes, pouvant à peine en croire cette réponse inattendue. Était-il possible que le testament eût rétabli tous les droits, fait cesser tous les doutes, et qu’Éva et Richard fussent à la veille d’être riches ? C’était trop beau pour être vrai.

Notre incertitude ne dura pas longtemps. La foule rompit bientôt ses rangs pressés, et ses flots s’écoulèrent, entraînant avec eux l’air fétide qui régnait dans la salle. Tout ce monde-là avait la figure animée et réjouie ; on aurait dit plutôt des gens sortant d’un théâtre de la foire que les graves habitués du sanctuaire de la justice. Nous nous étions mis à l’écart, guettant quelque personne de connaissance. Devant nous passaient d’énormes liasses de papiers, les unes enfoncées dans des sacs, les autres trop grosses pour y entrer ; papiers de toutes formes et