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avoir pris le thé, je crois que vous êtes maintenant assez raisonnable pour écrire une lettre de remercîments à votre hôte. » Il avait laissé pour moi quelques lignes chaleureuses où il me souhaitait la bienvenue et me confiait son canari, ce qui était la plus grande preuve d’estime qu’il eût jamais donnée. Je lui écrivis donc pour lui exprimer tout le plaisir que j’avais à me retrouver à Chesney-Wold ; lui disant, en outre, après quelques mots sur l’état du jardin et des arbres, que le plus merveilleux des serins m’avait gazouillé les honneurs de la maison avec une verve toute hospitalière, et qu’après avoir chanté sur mon épaule, au ravissement indicible de ma petite femme de chambre, il était maintenant perché dans un coin de sa cage, mais sans que je pusse dire s’il dormait oui ou non. Ma lettre terminée, je me hâtai de défaire mes paquets et d’envoyer Charley se coucher, en lui disant que je n’aurais pas besoin d’elle avant le lendemain matin.

Car je n’avais pas demandé qu’on me rendît mon miroir, et je ne m’étais pas encore vue dans la glace. Je savais bien que c’était une faiblesse qu’enfin il faudrait vaincre, et je m’étais promis de le faire quand je serais à Chesney-Wold, C’est pour cela que j’avais renvoyé Charley, et qu’une fois seule je me dis à moi-même : « Si le vœu que tu as fait autrefois d’être vaillante et loyale était sincère, tu dois tenir ta parole. » J’y étais bien résolue ; mais d’abord j’allai m’asseoir un instant pour réfléchir à tous les bienfaits dont j’avais été comblée ; je fis ensuite ma prière ; et je méditai encore pendant quelques minutes.

Mes cheveux n’avaient pas été coupés ; je les avais très-longs, très-épais ; je défis mon peigne, et secouant la tête pour qu’ils pussent se déployer, j’approchai du miroir qui était sur la toilette ; un petit rideau de mousseline couvrait ce miroir ; je l’écartai, mais je ne vis rien à travers le voile que formait ma chevelure ; alors je repoussai mes cheveux et je regardai l’image que reflétait la glace, encouragée par la sérénité du regard qui répondait au mien. J’étais horriblement changée ; si changée que tout d’abord je ne me reconnaissais pas et que j’aurais fui en me cachant la figure, sans l’expression encourageante dont je parlais tout à l’heure. Peu à peu je me familiarisai avec les traits du miroir, et j’envisageai dans toute son étendue l’altération que la petite vérole y avait apportée. Ce n’était pas ce que j’aurais cru ; mais, à vrai dire, je n’avais pas d’idée bien arrêtée à cet égard, et ma surprise ne fut pas excessive.

Je n’avais jamais été ce qu’on appelle une beauté ; mais quelle différence d’autrefois à aujourd’hui ! Grâce à Dieu, les quelques