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drait abandonner cette idée fausse ou renoncer pour toujours à la main de votre cousine.

— Monsieur, répondit Richard en souriant, si j’avais le malheur d’avoir cette idée-là, j’y renoncerais bien vite, pour me frayer, par mon travail, le chemin qui me ramènerait à Éva.

— C’est juste, dit M. Jarndyce ; pourquoi chercheriez-vous à l’obtenir, si c’était pour la rendre malheureuse ?

— La rendre malheureuse ! oh ! je ne le voudrais pas, au prix même de son amour, s’écria Richard avec fierté.

— Bien dit ! répliqua M. Jarndyce ; maintenant, Rick, elle va rester près de nous ; pensez à elle, au milieu de cette vie active que vous allez avoir ; aimez-la toujours ; revenez ici quelquefois ; et tout ira parfaitement ; mon sermon est fini ; je crois qu’un tour de promenade est, quant à présent, ce que vous avez de mieux à faire. »

Éva embrassa M. Jarndyce de tout son cœur ; Richard lui serra la main, et tous les deux quittèrent la chambre en me faisant comprendre qu’ils m’attendraient pour sortir.

La porte resta ouverte ; nous les suivîmes des yeux tandis qu’ils traversaient la pièce voisine toute brillante de lumière. Richard lui donnait le bras, et la tête inclinée, lui parlait avec ardeur ; elle le regardait en l’écoutant et ne semblait plus voir que lui au monde. Charmants, pleins d’espérance, ils traversaient d’un pas léger l’étroit espace qu’un rayon de soleil inondait de sa clarté ; ainsi leur pensée joyeuse franchissait les années qu’elle faisait resplendir. Ils passèrent ; le rayon qui avait brillé un instant s’évanouit comme ils fermaient la porte ; de gros nuages voilèrent le soleil ; et la pièce redevint sombre.

«  N’ai-je pas eu raison, Esther ? me demanda mon tuteur lorsqu’ils se furent éloignés ; Rick pourra peut-être y gagner ce qui lui manque : la force, la puissance de faire valoir ses qualités précieuses, ajouta-t-il d’un air pensif. Je n’ai rien dit à Éva ; elle a près d’elle son conseil et son amie ; » et il posa sa main sur ma tête avec tant d’affection que je ne pus m’empêcher d’être émue ; il le vit, malgré tous mes efforts pour le dissimuler.

« Tut ! tut ! dit-il ; nous veillerons de notre côté à ce que la vie de notre petite femme ne soit pas absorbée tout entière par la peine qu’elle se donne pour assurer le bonheur des autres.

— De la peine, cher tuteur ! moi qui suis la plus heureuse de toutes les créatures.

— Je l’espère, dit-il ; mais ce n’est pas une raison pour négliger notre petite femme, à qui l’on doit penser avant tout ; car