Page:Dickens - Bleak-House, tome premier.pdf/223

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n’en pouvais rien dire avant d’avoir essayé. Reste à savoir maintenant si cela vaut la peine de changer ; ce serait beaucoup d’embarras pour peu de chose.

— Comment, Richard, vous appelez cela peu de chose ?

— Ce n’est pas précisément ce que je veux dire, reprit-il ; mais si j’ai l’air d’y attacher moins d’importance, c’est parce qu’il est possible que cela devienne inutile. »

Nous insistâmes vivement, Éva et moi, pour lui faire comprendre non-seulement que cela valait la peine de changer, mais qu’il fallait changer au plus tôt ; et je demandai à Richard s’il avait pensé à une autre carrière plus en rapport avec ses goûts.

«  Mon Dieu, oui, répondit-il ; je suis persuadé, petite mère, que le barreau est mon fait.

— Le barreau ! dit Éva comme effrayée.

— Si je travaillais chez Kenge, poursuivit-il, et que je fusse attaché à son étude, j’aurais l’œil sur… hum !… le terrain défendu. Je pourrais l’étudier, le diriger convenablement ; je serais sûr qu’au moins quelqu’un s’en occuperait ! j’acquerrais enfin la capacité nécessaire pour veiller aux intérêts d’Éva, qui sont pareils aux miens ; et je m’enfoncerais dans Blackstone avec une ardeur effrayante. »

Je n’étais nullement convaincue de la vérité de ces dernières paroles, et je vis combien son désir de se rattacher au procès et de consacrer sa vie à cette folle poursuite inquiétait la pauvre Éva ; mais je pensai qu’il valait mieux l’encourager dans ses efforts et lui recommandai seulement de bien réfléchir et de bien voir si la décision qu’il voulait prendre était réellement celle qui pouvait lui convenir.

«  Ma chère Minerve, me dit-il, je me sens aussi ferme dans ma résolution que vous pourriez l’être vous-même. Je me suis trompé une fois : nous sommes tous sujets à l’erreur ; mais c’est une raison pour que cela ne m’arrive plus ; et je ferai un légiste comme on en voit peu, si réellement, ajouta-t-il en retombant dans son incertitude, vous croyez que cela vaille la peine de changer. »

Nous lui répétâmes, avec autant d’insistance et de gravité que nous pûmes en mettre dans nos paroles, tout ce que nous venions de lui dire ; et nous l’engageâmes si fortement à parler sans retard à mon tuteur, qu’il se rendit avec nous immédiatement auprès de lui, et avoua l’état des choses avec toute la franchise qui lui était naturelle.

«  Nous pouvons, lui dit M. Jarndyce, faire une retraite hono-