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rable, et nous ne devons pas hésiter ; mais pour l’amour de votre cousine, pour l’amour d’Éva, Rick, prenons bien garde de nous tromper encore. C’est pourquoi je suis d’avis de ne pas y mettre de précipitation et de faire un certain noviciat avant de nous engager dans cette nouvelle carrière. »

Obéissant toujours à l’impulsion du moment avec une énergie d’autant plus vive qu’elle avait moins de persévérance, Richard aurait voulu, au contraire, se rendre immédiatement chez M. Kenge et signer à l’instant même l’engagement qu’il devait prendre. Néanmoins il se soumit de bonne grâce aux observations de mon tuteur, et, s’asseyant auprès de nous, il se mit à parler de sa nouvelle profession comme s’il n’avait jamais eu d’autre désir que d’étudier la procédure. Mon tuteur se montra pour lui bienveillant et cordial, mais conserva toutefois un visage assez grave pour que le soir, au moment où nous allions monter dans notre chambre, Éva lui dît :

«  Cousin John, vous n’êtes pas fâché contre Richard ?

— Non, mon enfant, répondit M. Jarndyce.

— Il est bien naturel qu’il ait pu se tromper. N’est-ce pas une chose qui arrive à tout le monde ?

— Oui, chère fille. Allez ! Ne vous tourmentez pas de cela.

— Oh ! je ne m’en tourmente pas, cousin John, reprit-elle en souriant et en mettant la main sur l’épaule de mon tuteur ; mais je serais bien malheureuse si vous en vouliez à Richard.

— Je ne pourrais lui en vouloir, chère enfant, reprit mon tuteur, que si un jour vous souffriez par sa faute ; encore serait-ce à moi-même que j’en voudrais plus qu’à lui, car c’est moi qui vous ai rapprochés. Mais bah ! tout cela n’est rien ; il est jeune, et l’avenir lui reste. Non, chère fille, je ne lui en veux pas ; ni vous non plus, j’en suis sûr ?

— Assurément, cousin John ! lui en vouloir ! Mais je ne le pourrais pas alors même que tout le monde le blâmerait ; ce serait même une raison pour m’attacher à lui avec plus de force que jamais. »

Elle prononça ces paroles avec une douceur et un calme angéliques, ses deux mains appuyées sur l’épaule de mon tuteur, qu’elle regardait avec des yeux où rayonnait la franchise.

«  Il doit être écrit quelque part, répliqua M. Jarndyce en abaissant vers elle un regard pensif, que les vertus des mères compteront à leurs enfants aussi bien que les fautes des pères ? Bonsoir, mon bouton de rose ; bonsoir, Esther ; un doux sommeil et d’heureux songes ! »

Pour la première fois, je vis son regard bienveillant s’assom-