Page:Dickens - Contes de Noël, traduction Lorain, 1857.djvu/129

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ment crotté jusqu’à l’échine, et regardait autour de lui d’un air si malheureux et si étrange, que certainement il avait trouvé une consolation et un soulagement à pouvoir remercier quelqu’un, ne fût-ce que pour une bagatelle. Toby s’arrêta et le suivit des yeux, tandis qu’il se traînait péniblement d’un pas, lourd et incertain, le bras de l’enfant passé autour de son cou.

En voyant cet homme avec ses savates, car ce n’étaient plus que des ombres, des fantômes de souliers, avec ses grosses guêtres de cuir, son sarrau de toile commune, et son chapeau à larges bords rabattus, Trotty s’arrêta à le considérer, oubliant tout le reste, excepté qu’il fixait aussi ses yeux sur le petit bras de l’enfant suspendu au cou du voyageur.

Avant de se perdre dans l’obscurité, celui-ci s’arrêta, se retourna, et apercevant Trotty, toujours immobile à la même place, il parut indécis, ne sachant s’il devait continuer ou revenir sur ses pas. Après un instant d’hésitation, il prit enfin ce dernier parti ; Trotty, de son côté, fit la moitié du chemin pour venir à sa rencontre.

« Vous pourriez peut-être, dit l’homme avec un faible sourire, et si vous le pouvez, je suis sûr que vous le voudrez, aussi j’aime mieux le demander à vous qu’à d’autres ; vous pourriez peut-être m’indiquer où demeure l’alderman Cute ?

— Tout près d’ici, répondit Toby. Je me ferai un plaisir de vous montrer sa maison.

— Je devais aller le trouver demain dans un autre endroit. ajouta l’homme en suivant Toby ; mais je ne suis pas bien aise de demeurer sous le coup d’un soupçon ; j’ai besoin de me justifier, afin de pouvoir être libre d’aller gagner mon pain, je ne sais où. Ainsi, peut-être qu’il m’excusera de me présenter ce soir chez lui.

— C’est impossible, s’écria Toby en tressaillant ; vous appelleriez-vous Fern, par hasard ?

— Quoi ! s’écria l’autre à son tour, se retournant vers lui, la stupéfaction peinte sur le visage.

— Fern ? Will Fern ? dit Trotty.

— C’est mon nom, répondit-il.

— Eh bien ! alors, cria Trotty en le prenant par le bras et en regardant avec précaution autour de lui ; au nom du ciel ! n’allez pas chez lui ! n’allez pas chez lui ! Aussi sûr que vous existez, il vous supprimera. Par ici ! venez dans cette allée, je vais tout vous expliquer. Mais, pour Dieu ! n’allez pas chez lui. »

Sa nouvelle connaissance le regarda comme un fou, mais cependant elle le suivit. Quand ils furent à l’abri des curieux,