Page:Dickens - Contes de Noël, traduction Lorain, 1857.djvu/42

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sage échauffé dans un pot de porter, spécialement préparé à cette intention. Mais, lorsqu’il reparut, dédaignant le repos, il recommença de plus belle, quoiqu’il n’y eût pas encore de danseurs, comme si l’autre ménétrier avait été reporté chez lui, épuisé, sur un volet de fenêtre, et que ce fût un nouveau musicien qui fût venu le remplacer, résolu à vaincre ou à périr.

Il y eut encore des danses, et le jeu des gages touchés ; puis encore des danses, un gâteau, du négus, une énorme pièce de rôti froid, une autre de bouilli froid, des pâtés au hachis et de la bière en abondance. Mais le grand effet de la soirée, ce fut après le rôti et le bouilli, quand le ménétrier (un fin matois, remarquez bien, un diable d’homme qui connaissait bien son affaire : ce n’est ni vous ni moi qui aurions pu lui en remontrer !) commença à jouer « Sir Robert de Coverley. » Alors s’avança le vieux Fezziwig pour danser avec Mme Fezziwig. Ils se placèrent en tête de la danse. En voilà de la besogne ! vingt-trois ou vingt-quatre couples à conduire, et des gens avec lesquels il n’y avait pas à badiner, des gens qui voulaient danser et ne savaient ce que c’était que d’aller le pas.

Mais quand ils auraient bien été deux ou trois fois aussi nombreux, quatre fois même, le vieux Fezziwig aurait été capable de leur tenir tête, Mme Fezziwig pareillement. Quant à elle, c’était sa digne compagne, dans toute l’étendue du mot. Si ce n’est pas là un assez bel éloge, qu’on m’en fournisse un autre, et j’en ferai mon profit. Les mollets de Fezziwig étaient positivement comme deux astres. C’étaient des lunes qui se multipliaient dans toutes les évolutions de la danse. Ils paraissaient, disparaissaient, reparaissaient de plus belle. Et quand le vieux Fezziwig et Mme Fezziwig eurent exécuté toute la danse : avancez et reculez, tenez votre danseuse par la main, balancez, saluez ; le tire-bouchon ; enfilez l’aiguille et reprenez vos places ; Fezziwig faisait des entrechats si lestement, qu’il semblait jouer du flageolet avec ses jambes, et retombait ensuite en place sur ses pieds, droit comme un I.

Quand l’horloge sonna onze heures, ce bal domestique prit fin. M. et Mme Fezziwig allèrent se placer de chaque côté de la porte, et secouant amicalement les mains à chaque personne individuellement, lui aux hommes, elle aux femmes, à mesure que l’on sortait, ils leur souhaitèrent à tous un joyeux Noël. Lorsqu’il ne resta plus que les deux apprentis, ils leur firent les mêmes adieux, puis les voix joyeuses se turent, et les jeunes gens regagnèrent leurs lits placés sous un comptoir de l’arrière-boutique.