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LE CRICRI DU FOYER.

ses jeunes compagnes et à sa vie heureuse de jeune fille, pour n’avoir plus d’autre compagnon qu’un ennuyeux comme moi ? Avant d’emprisonner dans ma monotone maison cette brillante étoile, avais-je réfléchi combien j’étais peu fait pour m’associer à sa vivacité piquante, à sa naïve gaîté ? avais-je réfléchi que ce n’était pas un mérite pour moi, un titre pour moi de l’aimer… celle que devaient aimer tous ceux qui la connaissaient ? Jamais. Je profitai de son caractère confiant, de sa foi et de son espérance dans l’avenir pour l’épouser. Je voudrais ne l’avoir jamais connue… je le dis pour elle, non pour moi. »

Le marchand de joujoux le regarda sans cligner de l’œil… Son œil à demi-fermé lui-même s’ouvrit…

« Dieu la bénisse, dit John, pour sa généreuse persévérance à écarter de moi la réflexion que je fais aujourd’hui. Comment l’aurais-je faite, bonté du ciel, avec ma lourde intelligence ! Pauvre enfant, pauvre Dot ! il faut être moi pour ne pas avoir tout deviné en voyant ses yeux se remplir de larmes dès qu’on parlait de mariages semblables au nôtre ; cent fois j’ai vu ce secret trembler sur ses lèvres et je n’ai rien soupçonné jusqu’à la nuit d’hier. Pauvre fille ! avoir pu espérer qu’elle serait amoureuse de moi ! avoir pu croire qu’elle l’était !

— Elle cherchait tellement à le faire croire, dit Tackleton, qu’à vous avouer la vérité, cette affectation a été la source de mes soupçons. »