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LES CARILLONS.

— Mais je souris, il me semble ? répondit-elle, souriant en effet.

— Maintenant, oui, dit Lilian, mais ce n’est pas toujours ainsi. Lorsque vous me croyez occupée et ne vous voyant pas, vous semblez si inquiète et si soucieuse que j’ose à peine lever les yeux. Certes, il n’y a guère de motifs de sourire dans cette vie rude et pénible… Mais vous étiez autrefois si gaie !

— Ne le suis-je plus ? s’écria Meg avec un accent d’alarme, et se levant de sa chaise pour aller l’embrasser. Est-ce que je rends plus lourd encore pour vous, Lilian, le fardeau de notre vie ?

— Vous, vous seule vous faites que cette vie ne ressemble pas à la mort, répondit Lilian qui l’embrassa avec tendresse. Sans vous, Meg, je ne sais si je désirerais vivre. Un travail si continuel ! tant d’heures, tant de jours, tant de longues et interminables nuits d’un travail qu’il faut recommencer éternellement, non avec l’espoir d’amasser des richesses, de vivre grandement ou dans l’aisance, que dis-je ? avec l’espoir d’avoir seulement de quoi faire un repas frugal, mais pour gagner un morceau de pain, mais pour avoir seulement de quoi vivre, de quoi entretenir en nous la force de travailler encore, de souffrir encore et de conserver la conscience de notre dure destinée ! Ah ! Meg, Meg ! comment le monde cruel peut-il avoir le courage d’être témoin d’existences si malheureuses !… Elle prononça cette