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Page:Dickens - Cri-cri du foyer, traduction Pichot, 1847.djvu/279

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LES CARILLONS.

vous ai épousé. Ne le pensez pas, Tugby. Je ne saurais y consentir : je préférerais divorcer et ne plus vous revoir. Lorsque mon nom de veuve était seul sur cette porte… et il y est resté pendant de longues années, — cette maison appelée alors la maison de Mrs. Chickenstalker et citée partout pour son crédit et sa bonne renommée… lorsque mon nom de veuve était sur cette porte, Tugby, j’ai connu ce locataire comme un brave jeune homme, beau et plein de courage ; je l’ai connue, elle, sa femme, comme la plus gracieuse et la plus douce fille qu’on ait jamais vue… j’ai connu son père (pauvre vieillard ! il se laissa tomber du clocher dans un accès de somnambulisme et se tua…) j’ai connu son père pour le plus simple, le plus innocent et le plus laborieux des hommes… avant que je les mette à la porte de ma maison, puissent les anges me fermer celle du ciel… ce qu’ils feraient !… et je le mériterais. »

Pendant qu’elle prononçait ces paroles, Mrs. Tugby redevenait l’ancienne Mrs. Chickenstalker, celle dont la face était si fraîche et si potelée avant que les rides des années y eussent pris la place des fossettes de l’embonpoint, et lorsqu’elle eut essuyé ses yeux, puis fait à Tugby avec la tête et son mouchoir un signe expressif de fermeté, d’une fermeté qui défiait toute résistance, — Trotty dit : Dieu la bénisse ! Dieu la bénisse ! — Il écouta ensuite, le cœur ému, pour savoir ce qui allait suivre, ne sachant rien encore, excepté qu’il s’agissait de Meg.