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Page:Dickens - Cri-cri du foyer, traduction Pichot, 1847.djvu/58

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LE CRICRI DU FOYER.

chaque jour à l’air un plus large passage ; la jeune aveugle ignora toujours que les solives vermoulues menaçaient ruines ; que la rouille rongeait le fer ; la pourriture le bois ; la moisissure le papier… enfin que cette baraque perdait chaque jour quelque chose de sa forme primitive et de ses dimensions régulières. La jeune fille ignora toujours que des faïences et poteries informes ou ébréchées étaient sur la table ; que le découragement et la tristesse étaient dans la maison ; que les cheveux rares de Caleb grisonnaient de plus en plus devant ses yeux privés de la vue. La jeune aveugle ignora toujours qu’ils avaient un maître au cœur froid, dur, exigeant, odieux ; bref, elle ignora toujours que Tackleton était Tackleton ; mais elle vécut dans la croyance qu’un original se plaisait à jouer le bourru bienfaisant, et, remplissant à leur égard le rôle d’un ange gardien, dédaignait d’entendre une seule parole de reconnaissance. Toute cette fiction était l’œuvre de Caleb, l’œuvre de ce père naïf ! Lui aussi, il avait un Cricri dans sa cheminée ! Pendant qu’il écoutait mélancoliquement sa musique, alors que l’orpheline aveugle était encore un enfant, cet Esprit lui avait inspiré la pensée que même son infirmité cruelle pouvait se changer presque en bienfait du ciel, et qu’il dépendait de lui de rendre sa fille heureuse par ces petits artifices ; car les Cricris sont une famille d’Esprits puissants, quoique ceux qui vivent avec eux l’ignorent (ce qui est fréquemment le cas). Il n’est pas,