Aller au contenu

Page:Dickens - Cri-cri du foyer, traduction Pichot, 1847.djvu/63

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
55
LE CRICRI DU FOYER.

— Et chez un pareil tailleur, reprit Caleb ; un tailleur tout-à-fait fashionable. C’est trop beau pour moi. »

La jeune aveugle interrompit son ouvrage et sourit avec délices :

« Trop beau ; mon père ! qu’est-ce qui peut être trop beau pour vous ?

— Cependant je suis presque honteux de la porter, dit Caleb, cherchant à deviner l’effet de ses paroles sur le visage épanoui de sa fille ; sur mon honneur, vrai ! quand j’entends les gens et les enfants qui disent derrière moi : Oh ! voilà un élégant ! je ne sais où tourner les yeux, et hier au soir ce mendiant qui ne voulait pas s’en aller, lorsque je lui disais que j’étais un homme du commun, comme il sut bien me répondre : Non, non, Votre Honneur ! que Votre Honneur ne me dise pas cela ! Dans ma confusion il me semblait que je n’avais pas le droit de porter un si bel habit. »

Heureuse aveugle ! quelle joie, quel triomphe pour son cœur !

« Je vous vois, mon père, dit-elle en frappant des mains — je vous vois comme si j’avais ces yeux que je ne regrette jamais quand vous êtes avec moi… Un drap bleu !

— D’un beau bleu !

— Oui, oui, d’un beau bleu d’azur ! s’écria la jeune aveugle en relevant sa tête animée, la couleur que je me souviens avoir vue au ciel. Vous m’avez déjà dit que