Page:Dickens - Cri-cri du foyer, traduction Pichot, 1847.djvu/67

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
59
LE CRICRI DU FOYER.

Il croyait réellement que c’était une idiote, et sur quoi se fondait-il pour le croire ? sur ce qu’elle avait pour lui une si vive affection. Mais je ne saurais dire s’il avait bien la conscience de son raisonnement.

« Eh donc ! puisque vous êtes là… comment allez-vous ? dit Tackleton avec son ton brusque.

— Oh ! bien, tout-à-fait bien, et aussi heureuse que vous pouvez le désirer… aussi heureuse que vous voudriez que tout le monde le fût si cela dépendait de vous. »

— Pauvre idiote ! murmura Tackleton ; pas une lueur de raison, pas une lueur ! »

La jeune aveugle lui prit la main et la baisa ; elle la pressa un moment entre les siennes et y appuya tendrement une de ses joues avant de la quitter. Il y avait dans cet acte une affection si vraie, une gratitude si fervente, que Tackleton lui-même se sentit touché, jusqu’à dire avec un grognement un peu moins brutal :

« De quoi s’agit-il maintenant ?

— Je l’ai placé près de mon oreiller en allant me coucher hier au soir, dit Berthe, et je m’en suis souvenue dans mes rêves : puis quand le jour a lui, quand s’est levé le beau soleil rouge, le soleil rouge, mon père !

— Rouge le matin et rouge le soir, Berthe, dit le pauvre Caleb en tournant un regard triste sur le marchand.