Il fallait voir ses prétentions d’être infiniment plus âgée et plus raisonnable que moi, ce qui faisait dire à la charmante petite fée que j’étais « un petit nigaud ! » Puis elle se mit à rire si gaiement que j’oubliai le chagrin de m’entendre donner un nom si méprisant, tout entier au plaisir de la voir.
M. Barkis et Peggotty restèrent bien longtemps dans l’église, mais ils revinrent enfin, et on prit le chemin de la campagne. En route, M. Barkis se retourna vers moi, et me dit avec un regard malin dont je ne l’aurais pas cru capable :
« Quel nom avais-je donc écrit dans la carriole ?
— Clara Peggotty, répondis-je.
— Et quel nom faudrait-il écrire maintenant, si j’avais un canif ?
— Est-ce toujours Clara Peggotty ?
— Clara Peggotty Barkis ! et il partit d’un éclat de rire qui ébranlait les parois de la carriole.
En un mot, ils étaient mariés ; voilà pourquoi ils étaient entrés dans l’église. Peggotty était décidée à ce que tout se passât sans bruit, et le bedeau avait été le seul témoin de la cérémonie. Elle fut un peu confuse d’entendre M. Barkis annoncer si brusquement leur union, et elle ne pouvait se lasser de m’embrasser pour me prouver que son affection pour moi n’avait rien perdu. Mais elle se remit bientôt et me dit qu’elle était enchantée que ce fût une affaire finie.
Nous nous arrêtâmes à une petite auberge sur une route de traverse ; on nous y attendait ; le dîner fut très-gai et la journée se passa de la manière la plus satisfaisante. Peggotty se serait mariée tous les jours depuis dix ans qu’elle n’aurait pu avoir l’air plus à son aise, elle était tout à fait comme à l’ordinaire ; elle sortit avec Émilie et moi pour se promener avant le thé, tandis que M. Barkis fumait philosophiquement, heureux et content, je suppose, du plaisir de contempler son bonheur en perspective. En tous cas, ses réflexions contribuèrent à réveiller son appétit, car je me rappelle que, bien qu’il eût mangé beaucoup de porc frais et de légumes qu’il eût dépêché un poulet ou deux à dîner, il fut obligé de demander une tranche de lard avec son thé, et qu’il en fit disparaître un bon morceau sans aucune émotion.
J’ai souvent pensé depuis que c’était un jour de noces bien innocent et peu conforme aux habitudes reçues. Nous reprîmes nos places dans la carriole, quand il fit nuit, et pendant la route nous regardions les étoiles ; c’était moi qui étais le démonstrateur