Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/272

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en se promenant de long en large, le monde n’en aurait pas été plus mal, et que des milliers de choses dont on fait beaucoup de bruit ne valent pas les promenades de M. Dick et du docteur, pour moi comme pour les autres.

Agnès était devenue bientôt une des amies de M. Dick, et comme il venait sans cesse à la maison, il fit aussi la connaissance d’Uriah. L’amitié qui existait entre l’ami de ma tante et moi croissait toujours, mais nous étions ensemble dans d’étranges rapports : M. Dick, qui était nominalement mon tuteur et qui venait me voir en cette qualité, me consultait toujours sur les petites questions difficiles qui pouvaient l’embarrasser, et se guidait infailliblement d’après mes avis, son respect pour ma sagacité naturelle étant fort augmenté par la conviction que je tenais beaucoup de ma tante.

Un jeudi matin, au moment où j’allais accompagner M. Dick de l’hôtel au bureau de la diligence avant de retourner à la pension, car nous avions une heure de classe avant le déjeuner, je rencontrai dans la rue Uriah qui me rappela la promesse que je lui avais faite de venir prendre un jour le thé chez sa mère avec lui, en ajoutant avec un geste de modestie : « Quoique, à dire vrai, je ne me sois jamais attendu à vous voir tenir votre promesse, monsieur Copperfield : nous sommes dans une situation si humble ! »

Je n’avais pas encore de parti pris sur la question de savoir si Uriah me plaisait ou si je l’avais en horreur, et j’hésitais encore pendant que je le regardais en face dans la rue ; mais je prenais pour un affront l’idée qu’on pût m’accuser d’orgueil, et je lui dis que je n’avais attendu qu’une invitation.

« Oh ! si c’est là tout, monsieur Copperfield, dit Uriah, et si ce n’est réellement pas notre situation qui vous arrête, voulez-vous venir ce soir ? Mais si c’est notre humble situation, j’espère que vous ne vous gênerez pas pour le dire, monsieur Copperfield, nous ne nous faisons pas d’illusion sur notre condition. »

Je répondis que j’en parlerais à M. Wickfield, et que s’il n’y voyait pas d’inconvénient, comme je n’en doutais pas, je viendrais avec plaisir. Ainsi donc, ce soir-là à six heures, comme l’étude devait fermer de bonne heure, j’annonçai à Uriah que j’étais prêt.

« Ma mère sera bien fière, dit-il, pendant que nous marchions ensemble ; c’est-à-dire elle serait bien fière si ce n’était pas un péché, monsieur Copperfield.