Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/323

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Il nous procura des chevaux, et Steerforth, qui savait tout, me donna des leçons d’équitation. Il nous procura des fleurets, et Steerforth commença à m’apprendre à faire des armes ; il nous pourvut de gants, et je fis quelques progrès dans l’art de boxer. Peu m’importait que Steerforth me trouvât novice dans toutes ces sciences, mais je ne pouvais souffrir de manquer d’adresse devant le respectable Littimer. Je n’avais aucune raison de croire que Littimer fût versé dans la pratique des arts en question : rien ne pouvait, dans sa personne, me le faire supposer le moins du monde, pas même un mouvement imperceptible des paupières ; mais toutes les fois qu’il se trouvait là pendant la leçon, je me sentais le plus neuf, le plus gauche, le plus innocent des hommes, un vrai blanc-bec.

Si je suis entré dans tous ces détails sur son compte, c’est qu’il produisit sur moi, tout d’abord, un effet assez étrange, et c’est surtout pour préparer ce qui arriva plus tard.

La semaine s’écoula d’une manière charmante. Elle passa vite pour moi, comme on peut le croire : c’était comme un rêve, et pourtant j’avais tant d’occasions d’apprendre à mieux connaître Steerforth, et de l’admirer tous les jours davantage, qu’il me semblait, à la fin de mon séjour, que je ne l’avais jamais quitté. Il me traitait un peu comme un joujou, mais d’une façon si amusante, qu’il ne pouvait rien faire qui me fût plus agréable. Cela me rappelait, d’ailleurs, nos anciens rapports, dont nos nouvelles relations me semblaient une suite toute naturelle. Je voyais qu’il n’était pas changé, j’étais délivré de tout l’embarras que j’aurais pu éprouver en comparant mes mérites avec les siens, et en calculant mes droits à son amitié sur un pied d’égalité ; enfin il n’avait qu’avec moi ces manières gaies, familières, affectueuses. Comme il m’avait traité, en pension, tout autrement que le reste de nos camarades, je voyais aussi, avec plaisir, qu’il ne me traitât pas maintenant, dans le monde, de la même manière que le reste de ses amis. Je me croyais plus près de son cœur qu’aucun autre, comme je sentais le mien échauffé pour lui d’une amitié sans pareille.

Il se décida à venir avec moi à la campagne, et le jour de notre départ arriva bientôt. Il avait songé un moment à emmener Littimer, mais il avait fini par le laisser à la maison. Cet homme respectable, satisfait de tout, arrangea nos porte-manteaux sur la voiture qui devait nous conduire à Londres,