Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/359

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« Oh ! voilà toute l’histoire ? s’écria-t-elle en coupant les favoris de son client, avec une petite paire de ciseaux qu’elle faisait voltiger autour de sa tête dans toutes les directions. Très-bien ! très-bien ! c’est tout un roman. Cela devrait finir par « et ils vécurent heureux, » n’est ce pas ? Ah ! comment donc dit-on aux petits jeux ? « J’aime mon amie par E, parce qu’elle est Enchanteresse ; je déteste mon amie par E, parce qu’elle est Engagée ; je l’ai menée à l’enseigne de l’Enjôleur, et je l’ai régalée d’un Enlèvement ; elle s’appelle Émilie, et elle demeure dans l’Est. » Ah ! ah ! ah ! monsieur Copperfield, n’est-ce pas que vous me trouvez bien folichonne ? »

Elle n’attendit pas ma réponse, et, se contentant de me regarder de l’air le plus rusé, elle continua sans reprendre haleine :

« Là ! s’il y a jamais eu un mauvais sujet peigné et arrangé dans la perfection, c’est bien vous, Steerforth. S’il y a une caboche au monde que je connaisse comme ma poche, c’est la vôtre. M’entendez-vous, mon garçon ? Je vous connais, dit-elle en se penchant sur lui. Maintenant votre affaire est jugée ; huissier, appelez celle qui suit sur le rôle, comme nous disons à la Cour ; si M. Copperfield veut prendre votre place, je vais l’opérer à son tour.

— Qu’en dites-vous, Pâquerette ? demanda Steerforth en riant et en me cédant son siège ; voulez-vous un petit coup de peigne ?

— Je vous remercie, miss Mowcher, pas ce soir.

— Ne refusez pas, dit la petite femme en me regardant d’un air de connaisseur, un peu plus de sourcils !

— Merci, répliquai-je, une autre fois.

— Il leur faudrait un centimètre plus près de la tempe, dit miss Mowcher, c’est l’affaire de quinze jours au plus.

— Non, merci. Pas pour le moment.

— Et vous ne voulez pas une petite houppe, reprit-elle, non ? Eh bien ! laissez-moi seulement relever l’échafaudage de votre chevelure, après cela nous passerons aux favoris. Allons ! »

Je ne pus m’empêcher de rougir tout en refusant, car je sentais qu’elle venait de toucher là mon côté faible. Mais miss Mowcher, voyant que je n’étais pas disposé à subir les améliorations que son art pouvait apporter dans ma personne, et que je résistais, pour le moment du moins, aux séductions de la petite fiole qu’elle tenait en l’air à mon intention, me dit