Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/367

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Pendant le déjeuner, on me remit une lettre de ma tante. Comme elle traitait une question sur laquelle je pensais que les avis de Steerforth vaudraient bien ceux d’un autre, je résolus de discuter avec lui cette affaire pendant notre voyage, ravi de la consulter. Pour le moment, nous avions assez de prendre congé de tous amis. M. Barkis n’était pas le moins affligé de notre départ et je crois qu’il eût volontiers ouvert de nouveau son coffre et sacrifié une seconde pièce d’or, si nous avions voulu, à ce prix, rester quarante-huit heures de plus à Yarmouth. Peggotty et toute sa famille, étaient au désespoir de nous voir partir. Toute la maison d’Omer et Joram sortit pour nous dire adieu, et Steerforth se vit entouré d’une telle foule de pêcheurs, au moment où nos malles prirent le chemin de la diligence, que si nous avions possédé tout le bagage d’un régiment, las porteurs volontaires n’eussent pas manqué pour le déménager. En un mot, nous emportions les regrets et l’affection de toutes nos connaissances, et nous laissions derrière nous je ne sais combien de gens affligés de notre départ.

« Allez-vous rester longtemps ici, Littimer ? lui dis-je, pendant qu’il attendait pour voir partir la diligence.

— Non, monsieur, répliqua-t-il probablement, ce ne sera pas très-long, monsieur.

— Il n’en sait trop rien pour le moment, dit Steerforth d’un air indifférent. Il sait ce qu’il a à faire, et il le fera.

— J’en suis bien sûr, lui répondis-je.

Littimer mit la main à son chapeau pour me remercier de ma bonne opinion, et il me sembla que je n’avais pas plus de huit ans. Il nous salua de nouveau en nous souhaitant un bon voyage, et nous laissâmes debout, au milieu de la rue, cet homme aussi respectable et aussi mystérieux qu’une pyramide d’Égypte.

Pendant quelque temps, nous restâmes sans nous dire un mot, car Steerforth était plongé dans un silence inaccoutumé ; et moi je me demandais quand je reverrais tous ces lieux témoins de mon enfance et quels changements nous aurions subis dans l’intervalle, eux et moi. Enfin Steerforth, reprenant tout à coup sa gaieté et son entrain, grâce à la faculté qu’il possédait de changer de ton et de manière à volonté, me tira par le bras.

« Eh bien ! vous ne me dites rien, David ! Que disait donc cette lettre dont vous parliez à déjeuner ?