Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/368

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— Oh ! dis-je en la tirant de ma poche, c’est de ma tante !

— Et vous dit-elle quelque chose d’intéressant ?

— Mais elle me rappelle que j’ai entrepris cette expédition dans le but de voir le monde et d’y réfléchir un peu.

— Et vous n’y avez pas manqué, je pense ?

— Je suis obligé d’avouer que je n’y ai pas beaucoup songé, et, à vous dire le vrai, j’ai un peu peur de l’avoir oublié.

— Eh bien, regardez autour de vous, maintenant, dit Steerforth, et réparez votre négligence. Regardez à droite, vous avez un pays plat, un peu marécageux ; regardez à gauche, vous en voyez autant ; regardez en avant, il n’y a point de différence, et c’est la même chose par derrière. »

Je me mis à rire en lui disant que je ne découvrais point de profession convenable pour moi dans le paysage, ce qui tenait peut-être à son uniformité.

— Et que dit votre tante sur ce sujet ? demanda Steerforth en regardant la lettre que je tenais à la main. Vous suggère-t-elle quelque idée ?

— Oui, répondis-je, elle me demande si j’aurais du goût pour le métier de procureur : qu’en pensez-vous ?

— Mais, je ne sais pas, dit Steerforth tranquillement. Vous pouvez aussi bien vous faire procureur qu’autre chose, je suppose. »

Je ne pus m’empêcher de rire encore de lui voir mettre toutes les professions sur la même ligne et je lui en témoignai ma surprise.

« Qu’est-ce que c’est que ça un procureur, Steerforth ? ajoutai-je.

— Oh ! c’est une sorte d’avoué monacal, répliqua-t-il. Il joue, près de ces vieilles cours surannées qu’on appelle l’Officialité et qui tiennent leurs assises dans un petit coin, près du cimetière de Saint-Paul, le même rôle que les avoués jouent dans les cours de justice. C’est un fonctionnaire dont l’existence aurait dû, selon le cours naturel des choses, se terminer il y a plus de deux cents ans, mais je vous ferai mieux comprendre ce qu’est un procureur en vous expliquant ce que c’est que l’Offlcialité. C’est un petit endroit retiré, où l’on applique ce qu’on appelle la loi ecclésiastique et où l’on fait toutes sortes de tours de passe-passe avec de vieux monstres d’actes du parlement, dont la moitié du monde ignore l’existence, et dont le reste suppose qu’ils étaient déjà à l’état fossile