Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/414

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Je ne vis plus Uriah Heep jusqu’au jour du départ d’Agnès. J’étais au bureau de la diligence pour lui dire adieu et la voir partir, et je la trouvai là qui retournait à Canterbury par le même véhicule. J’éprouvai du moins une petite satisfaction à voir cette redingote marron trop courte de taille, étroite et mal fagotée en compagnie d’un parapluie qui ressemblait à une tente, plantés au bord du siège de derrière sur l’impériale, tandis qu’Agnès avait naturellement une place d’intérieur ; mais je méritais bien cette petite indemnité pour la peine que je pris de faire l’aimable avec lui pendant qu’Agnès pouvait nous voir. À la portière de la diligence, de même qu’au dîner de mistress Waterbrook, il planait autour de nous sans relâche comme un grand vautour, dévorant chaque parole que je disais à Agnès ou qu’elle me disait.

Dans l’état de trouble où m’avait jeté la confidence qu’il m’avait faite au coin de mon feu, j’avais réfléchi souvent aux expressions qu’Agnès avait employées en parlant de l’association. « J’ai fait, j’espère, ce que je devais faire. Je savais qu’il était nécessaire pour le repos de papa que ce sacrifice s’accomplît, et je l’ai engagé à le consommer. » J’étais poursuivi depuis lors par le triste pressentiment qu’elle céderait à ce même sentiment, et qu’elle y puiserait la force d’accomplir tout autre sacrifice par amour pour son père. Je connaissais son affection pour lui. Je savais combien sa nature était dévouée. J’avais appris d’elle-même qu’elle se regardait comme la cause innocente des erreurs de M. Wickfleld, et qu’elle croyait avoir ainsi contracté envers lui une dette qu’elle désirait ardemment d’acquitter. Je ne trouvais aucune consolation à remarquer la différence qui existait entre elle et ce misérable rousseau en redingote marron, car je sentais que le grand danger venait précisément de la différence qu’il y avait entre la pureté et la dévouement de son âme et la bassesse sordide de celle d’Uriah. Il le savait bien, et il avait sans doute fait entrer tout cela en ligne de compte dans ses calcule hypocrites.