une chambre pour Traddles et un couvert pour moi. Nous exprimâmes notre reconnaissance de ses bontés, et il nous demanda pardon de s’être lancé dans des détails de ménage ; c’était une disposition bien naturelle qu’il fallait excuser chez un homme à la veille d’entrer dans une vie nouvelle.
Mistress Micawber à ce moment tapa de nouveau à la muraille pour savoir si le thé était prêt, et interrompit ainsi notre conversation amicale. Elle nous versa la thé de la manière la plus aimable, et toutes les fois que je m’approchais d’elle pour apporter les tasses, ou pour faire circuler les tartines, elle me demandait tout bas si D. était blonde ou brune, si elle était grande ou petite, ou quelque détail de ce genre, et il me semble que cela ne me déplaisait pas. Après le thé, nous discutâmes une quantité de questions devant le feu, et mistress Micawber eut la bonté de nous chanter, d’une petite voix grêle (que je regardais autrefois, je m’en souviens, comme ce qu’on pouvait entendre de plus agréable), les ballades favorites du beau sergent blanc, et du petit Tafflin. M. Micawber nous dit que, lorsqu’il lui avait entendu chanter le Sergent blanc, la première fois qu’il l’avait vue sous le toit paternel, elle avait attiré son attention au plus haut point, mais que lorsqu’elle en était venue au petit Tafflin, il s’était juré à lui-même de posséder cette femme ou de mourir à la peine.
Il était à peu près dix heures et demie quand mistress Micawber se leva pour envelopper son bonnet dans le papier gris et remettre son chapeau. M. Micawber saisit le moment où Traddles endossait son paletot, pour me glisser une lettre dans la main, en me priant tout bas de la lire quand j’en aurais le temps. Je saisis, à mon tour, le moment où je tenais une bougie au-dessus de la rampe pour les éclairer, pendant que M. Micawber descendait le premier en conduisant mistress Micawber, et je retins Traddles qui les suivait déjà, le bonnet de cette dame à la main.
« Traddles, lui dis-je, M. Micawber n’a pas de mauvaises intentions, le pauvre homme, mais, si j’étais à votre place, je ne lui prêterais rien.
— Mon cher Copperfield, dit Traddles en souriant, je n’ai rien à prêter.
— Vous avez toujours votre nom, vous savez.
— Ah ! vous appelez cela quelque chose à prêter ? dit Traddles d’un air pensif.