Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/456

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— Certainement.

— Oh ! dit Traddles, oui, c’est bien sûr. Je vous suis très-obligé, Copperfield, mais j’ai peur de le lui avoir déjà prêté.

— Pour ce billet qui est un placement sûr ? demadais-je.

— Non, dit Traddles. Pas pour celui-là. C’est la première fois que j’en entends parler. Je pensais qu’il me proposerait peut-être de signer celui-là, en retournant à la maison. Le mien, c’est autre chose.

— J’espère qu’il n’y a pas de danger ?

— J’espère que non, dit Traddles je ne le crois pas, parce qu’il m’a dit l’autre jour qu’il y avait pourvu. C’est l’expression de M. Micawber : « J’y ai pourvu. »

M. Micawber levant les yeux à ce moment, je n’eus que le temps de répéter mes recommandations au pauvre Traddles, qui me remercia et descendit. Mais en regardant l’air de bonne humeur avec lequel il portait le bonnet et donnait le bras à mistress Micawber j’avais grand’peur qu’il ne se laissât livrer, pieds et poings liés, aux gens d’affaires.

Je revins au coin de mon feu, et je réfléchissais moitié gaiement moitié sérieusement, sur le caractère de M. Micawber et sur nos anciennes relations, quand j’entendis quelqu’un monter rapidement. Je crus d’abord que c’était Traddles qui venait chercher quelque objet oublié par mistress Micawber, mais à mesure que le pas approchait, je le reconnus mieux ; le cœur me battait et le sang me montait au visage. C’était Steerforth.

Je n’oubliais jamais Agnès, et elle ne quittait jamais le sanctuaire (si je puis m’exprimer ainsi) qu’elle occupait dans mon esprit depuis le premier jour. Mais lorsqu’il entra, et que je le vis devant moi, me tendant la main, le nuage obscur qui l’enveloppait dans ma pensée se déchira pour faire place à une lumière brillante, et je me sentis honteux et confus d’avoir douté d’un ami si cher. Mon affection pour Agnès n’en souffrit point : je pensais toujours à elle comme à l’ange bienfaisant de ma vie ; mes reproches ne s’adressaient qu’à moi, et non pas à elle ; j’étais troublé de l’idée que j’avais fait injure à Steerforth et j’aurais voulu l’expier, si j’avais su comment m’y prendre.

« Eh bien, Pâquerette, mon garçon, vous voilà muet ! dit Steerforth avec enjouement, en me serrant la main de la façon la plus amicale. Est-ce que je vous surprends au milieu d’un