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Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/459

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— Barkis vous voulez dire ?

— Oui ! répondit-il, en fouillant toujours dans ses poches, et en examinant ce qu’il y avait dedans. Tout est fini pour le pauvre Barkis, j’en ai peur. J’ai vu un petit apothicaire ou médecin, je ne sais lequel, qui a eu l’honneur d’amener Votre Majesté dans ce monde. Il m’a donné les détails les plus savants : mais en résumé son opinion est que le voiturier ne tardera pas à faire son dernier voyage. Mettez la main dans la poche de devant de mon paletot qui est là sur cette chaise, je crois que vous trouverez la lettre. L’avez-vous ?

— La voilà ! dis-je.

— Ah ! justement. »

La lettre était de Peggotty, elle était courte et un peu moins lisible qu’à l’ordinaire. Elle m’apprenait l’état désespéré de son mari, faisait allusion à ce qu’il était devenu un peu plus serré qu’autrefois, ce qu’elle regrettait surtout parce qu’elle ne pouvait pas lui donner à lui-même toutes les petites douceurs qu’elle voudrait. Elle ne disait pas un mot de ses fatigues et de ses veilles, mais elle ne tarissait pas en éloges sur son mari. Tout cela était dit avec une tendresse simple, honnête et naturelle, que je savais véritable, et la lettre finissait par ces mots : « tous mes respects à mon enfant chéri ! » L’enfant chéri c’était moi.

Pendant que je déchiffrais cette épître, Steerforth continuait de manger et de boire.

« C’est dommage, dit-il, quand j’eus fini, mais le soleil se couche tous les jours, et il meurt des gens à toute minute, il ne faut donc pas se tourmenter d’une chose qui est le lot commun de tout le monde. Si nous nous arrêtions chaque fois que nous entendons frapper du pied à quelque porte cette voyageuse qui ne s’arrête pas elle-même, nous ne ferions pas grand bruit dans ce monde. Non ! En avant ! par les mauvais chemins, s’il n’y en a pas d’autres, par les beaux chemins si cela se peut, mais en avant ! Sautons par-dessus tous les obstacles pour arriver au but !

— Quel but ? demandai- je.

— Celui pour lequel on s’est mis en route, répliqua-t-il : en avant ! »

Je me rappelle que, lorsqu’il s’arrêta pour me regarder, son verre à la main et son beau visage un peu penché en arrière, je remarquai pour la première fois que, quoiqu’il fût bruni, et que la fraîcheur du vent de mer eût animé son teint,