Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/99

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négligemment appuyée sur son bras, c’était, à mes yeux, un grand personnage, il n’est pas étonnant que j’en eusse l’esprit tout occupé ; les sombres mystères de son avenir inconnu ne se révélaient pas sur sa face à la clarté de la lune. Il n’y avait pas une ombre, attachée à ses pas, pendant la promenade que je fis, en rêve avec lui, dans le jardin.


Les classes recommencèrent sérieusement le lendemain. Je me rappelle avec quelle profonde impression j’entendis tout à coup tomber le bruit des voix qui fut remplacé par un silence absolu, lorsque M. Creakle entra après le déjeuner. Il se tint debout sur le seuil de la porte, les yeux fixés sur nous, comme dans les contes des fées, quand le géant vient passer en revue ses malheureux prisonniers.

Tungby était à côté de M. Creakle Je me demandai dans quel but il criait : « silence ! » d’une voix si féroce ; nous étions tous pétrifiés, muets et immobiles.

On vit parler M. Creakle, et on entendit Tungby dans les termes suivants :

« Jeunes élèves, voici un nouveau semestre. Veillez à ce que vous allez faire dans ce nouveau semestre. De l’ardeur dans vos études, je vous le conseille, car moi, je reviens plein d’ardeur pour vous punir. Je ne faiblirai pas. Vous aurez beau frotter la place, vous n’effacerez pas la marque de mes coups. Et maintenant, tous, à l’ouvrage ! »

Ce terrible exorde prononcé Tungby disparut, et M. Creakle s’approcha de moi ; il me dit que, si je savais bien mordre, lui aussi il était célèbre en ce genre. Il me montra sa canne, et me demanda ce que je pensais de cette dent-là ? Était-ce une dent canine, hein ? Était-ce une grosse dent, hein ? Avait-elle de bonnes pointes, hein ? Mordait-elle bien, hein ? Mordait-elle bien ? Et à chaque question il me cinglait un coup de jonc qui me faisait tordre en deux ; j’eus donc bientôt payé, comme disait