Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/121

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

« Je crois que c’est votre écriture, monsieur Copperfield ? dit M. Spenlow. »

J’avais le front brûlant, et la voix qui résonna à mes oreilles ne ressemblait guère à la mienne lorsque je répondis :

« Oui, monsieur.

— Si je ne me trompe, dit M. Spenlow, tandis que miss Murdstone tirait de son sac un paquet de lettres, attaché avec un charmant petit ruban bleu, ces lettres sont aussi de votre écriture, monsieur Copperfield ? »

Je pris le paquet avec un sentiment de désolation ; et, en voyant d’un coup d’œil au haut des pages : « Ma bien-aimée Dora, mon ange chéri, ma chère petite, » je rougis profondément et j’inclinai la tête.

« Non, merci, me dit froidement M. Spenlow, comme je lui tendais machinalement le paquet de lettres, je ne veux pas vous en priver. Miss Murdstone, soyez assez bonne pour continuer. »

Cette aimable créature, après avoir un moment réfléchi, les yeux baissés sur le papier, raconta ce qui suit, avec l’onction la plus glaciale :

«  Je dois avouer que, depuis quelque temps déjà, j’avais mes soupçons sur miss Spenlow en ce qui concerne David Copperfield. J’avais l’œil sur miss Spenlow et sur David Copperfield la première fois qu’ils se virent, et l’impression que j’en conçus alors ne fut pas agréable. La dépravation du cœur humain est telle…

— Vous me rendrez service, madame, fit remarquer M. Spenlow, en vous bornant à raconter les faits. »

Miss Murdstone baissa les yeux, hocha la tête comme pour protester contre cette interruption inconvenante, puis reprit d’un air de dignité offensée :

« Alors, si je dois me borner à raconter les faits, je les dirai aussi brièvement que possible, puisque c’est là tout ce qu’on demande. Je disais donc, monsieur, que, depuis quelque temps déjà, j’avais mes soupçons sur miss Spenlow et sur David Copperfield. J’ai souvent essayé, mais en vain, d’en trouver des preuves décisives. C’est ce qui m’a empêché d’en faire confidence au père de miss Spenlow (et elle le regarda d’un air sévère) je savais combien, en pareil cas, on est peu disposé à croire avec bienveillance ceux qui remplissent en cela fidèlement leur devoir. »