Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/122

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M. Spenlow semblait anéanti par la noble sévérité du ton de miss Murdstone ; il fit de la main un geste de conciliation.

« Lors de mon retour à Norwood, après m’être absentée à l’occasion du mariage de mon frère, poursuivit miss Murdstone d’un ton dédaigneux, je crus m’apercevoir que la conduite de miss Spenlow, également de retour d’une visite chez son amie miss Mills, que sa conduite, dis-je, donnait plus de fondement à mes soupçons ; je la surveillai donc de plus près. »

Ma pauvre, ma chère petite Dora, qu’elle était loin de se douter que ces yeux de dragon étaient fixés sur elle !

« Cependant, reprit miss Murdstone, c’est hier au soir seulement que j’en ai acquis la preuve positive. J’étais d’avis que miss Spenlow recevait trop de lettres de son amie miss Mills, mais miss Mills était son amie, du plein consentement de son père (encore un coup d’œil bien amer à M. Spenlow), je n’avais donc rien à dire. Puisqu’il ne m’est pas permis de faire allusion à la dépravation naturelle du cœur humain, il faut du moins qu’on me permette de parler d’une confiance mal placée.

— À la bonne taure, murmura M. Spenlow, en forme d’apologie.

— Hier au soir, reprit miss Murdstone, nous venions de prendre le thé, lorsque je remarquai que le petit chien courait, bondissait, grognait dans le salon, en mordillant quelque chose. Je dis à miss Spenlow « Dora, qu’est-ce que c’est que ce papier que votre chien tient dans sa gueule ? » Miss Spenlow tâta immédiatement sa ceinture, poussa un cri et courut vers le chien. Je l’arrêtai en lui disant : « Dora, mon amour, permettez !… »

— Oh ! Jip, misérable épagneul, c’est donc toi qui es l’auteur de tant d’infortunes !

— Miss Spenlow essaya, dit miss Murdstone, de me corrompre à force de baisers, de nécessaires à ouvrage, de petits bijoux, de présents de toutes sortes : je passe rapidement là-dessus. Le petit chien courut se réfugier sous le canapé, et j’eus beaucoup de peine à l’en faire sortir avec l’aide des pincettes. Une fois tiré de là-dessous, la lettre était toujours dans sa gueule ; et quand j’essayai de la lui arracher, au risque de me faire mordre, il tenait le papier si bien serré entre ses dents que tout ce que je pouvais faire c’était d’enlever le chien en l’air à la suite de ce précieux document. J’ai pourtant fini par m’en emparer. Après l’avoir lu, j’ai dit à miss Spenlow