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Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/183

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j’ai dit déjà de ma persévérance à cette époque et de la patiente énergie qui commençait alors à devenir le fond de mon caractère, que c’est à ces qualités surtout que j’ai dû plus tard le bonheur de réussir. J’ai eu beaucoup de bonheur dans les affaires de cette vie ; bien des gens ont travaillé plus que moi sans avoir autant de succès ; mais je n’aurais jamais pu faire ce que j’ai fait sans les habitudes de ponctualité, d’ordre et de diligence que je commençai à contracter, et surtout sans la faculté que j’acquis alors de concentrer toutes mes attentions sur un seul objet à la fois, sans m’inquiéter de celui qui allait lui succéder peut-être à l’instant même. Dieu sait que je n’écris pas cela pour me vanter ! Il faudrait être véritablement un saint pour n’avoir pas à regretter, en repassant toute sa vie comme je le fais ici, page par page, bien des talents négligés, bien des occasions favorables perdues, bien des erreurs et bien des fautes. Il est probable que j’ai mal usé, comme un autre, de tous les dons que j’avais reçus. Ce que je veux dire simplement, c’est que, depuis ce temps-là, tout ce que j’ai eu à faire dans ce monde, j’ai essayé de le bien faire ; que je me suis dévoué entièrement à ce que j’ai entrepris, et que dans les petites comme dans les grandes choses, j’ai toujours sérieusement marché à mon but. Je ne crois pas qu’il soit possible, même à ceux qui ont de grandes familles, de réussir s’ils n’unissent pas à leur talent naturel des qualités simples, solides, laborieuses, et surtout une légitime confiance dans le succès ; il n’y a rien de tel en ce monde que de vouloir. Des talents rares ou des occasions favorables, forment pour ainsi dire les deux montants de l’échelle où il faut grimper, mais avant tout, que les barreaux soient d’un bois dur et résistant ; rien ne saurait remplacer, pour réussir, une volonté sérieuse et sincère. Au lieu de toucher à quelque chose du bout du doigt, je m’y donnais corps et âme, et, quelle que fût mon œuvre, je n’ai jamais affecté de la déprécier. Voilà des règles dont je me suis trouvé bien.

Je ne veux pas répéter ici combien je dois à Agnès de reconnaissance dans la pratique de ces préceptes. Mon récit m’entraîne vers elle comme ma reconnaissance et mon amour. Elle vint faire chez le docteur une visite de quinze jours. M. Wickfield était un vieil ami de cet excellent homme qui désirait le voir pour tâcher de lui faire du bien. Agnès lui avait parlé de son père à sa dernière visite à Londres, et ce voyage était le résultat de leur conversation. Elle accompagna M. Wickfield.