Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/206

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Oui ! je vais épouser Dora ! miss Savinia et mis Clarissa ont donné leur consentement, et si jamais vous avez vu des petits serins se trémousser, ce sont elles. Miss Savinia s’est chargée de la surintendance du trousseau de ma chère petite ; elle passe son temps à couper la ficelle d’une foule de paquets enveloppés de papier gris, et à se disputer avec quelque jeune Calicot de l’air le plus respectable, qui porte un gros paquet avec son mètre sous le bras. Il y a dans la maison une couturière dont le sein est toujours transpercé d’une aiguille enfilée, piquée à sa robe ; elle mange et couche dans la maison, et je crois, en vérité, qu’elle garde son dé pour dîner, pour boire, pour dormir. Elles font de ma petite Dora un vrai mannequin. On est toujours à l’appeler pour venir essayer quelque chose. Nous ne pouvons pas être ensemble cinq minutes, le soir, sans que quelque femme importune vienne taper à la porte.

« Miss Dora, pourriez-vous monter un moment ? »

Miss Clarissa et ma tante parcourent tous les magasins de Londres pour nous mener ensuite voir quelques articles mobiliers après elles. Elles feraient bien mieux de les choisir elles-mêmes, sans nous obliger, Dora et moi, à aller les inspecter en cérémonie, car en allant examiner des casseroles ou un garde-feu, Dora aperçoit un petit pavillon chinois pour Jip, avec des petites clochettes en haut, et l’achète de préférence. Jip est très-long à s’habituer à sa nouvelle résidence, il ne peut pas entrer dans sa niche ou en sortir sans que les petites clochettes se mettent en branle ; ce qui lui fait une peur horrible.

Peggotty arrive pour se rendre utile, et elle se met aussitôt à l’œuvre. Son département, c’est le nettoyage à perpétuité ; elle frotte tout ce qu’on peut frotter, jusqu’à ce qu’elle le voie reluire, bon gré, mal gré, comme son front luisant. Et de temps à autre, je vois son frère errer seul le soir à travers les rues sombres, où il s’arrête pour regarder toutes les femmes qui passent. Je ne lui parle jamais à cette heure-là : je ne sais que trop, quand je le rencontre grave et solitaire, ce qu’il cherche et ce qu’il redoute de trouver.

Pourquoi Traddles a-t-il l’air si important ce matin en venant me trouver aux Doctors’ Commons, où je vais encore parfois, quand j’ai le temps ? C’est que mes rêves d’autrefois vont se réaliser, je vais prendre une licence de mariage.

Jamais si petit document n’a représenté tant de choses ; et Traddles le contemple sur mon pupitre avec une admiration mêlée d’épouvanté. Voilà bien ces noms enlacés selon l’usage