Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/244

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en un abîme pour ce qui avait rapport à vous. Si je me suis repliée sur moi-même, si j’ai cache l’outrage que j’avais subi, c’est parce que je vous honorais de toute mon âme, parce que je souhaitais ardemment que vous pussiez m’honorer aussi.

— Annie, mon noble cœur ! dit le docteur ; mon enfant chérie !

— Un mot encore un mot ! Je me disais souvent que vous auriez pu épouser une femme qui ne vous aurait pas causé tant de peine et de soucis, une femme qui aurait mieux tenu sa place à votre foyer ; je me disais que j’aurais mieux fait de rester votre élève, presque votre enfant ; je me disais que je n’étais pas à la hauteur de votre sagesse, de votre science : c’était tout cela qui me faisait garder le silence ; mais c’était parce que je vous honorais de toute mon âme parce que j’espérais qu’un jour vous pourriez m’honorer aussi.

— Ce jour est venu depuis longtemps, Annie, dit le docteur, et il ne finira jamais.

— Encore un mot ! J’avais résolu de porter seule mon fardeau, de ne jamais révéler à personne l’indignité de celui pour qui vous étiez si bon. Plus qu’un mot, ô le meilleur des amis ! J’ai appris aujourd’hui la cause du changement que j’avais remarqué en vous, et dont j’ai tant souffert ; tantôt, je l’attribuais à mes anciennes craintes, tantôt, j’étais sur le point de comprendre la vérité ; enfin, un hasard m’a révélé, ce soir, toute l’étendue de votre confiance en moi, lors même que vous étiez dans l’erreur sur mon compte. Je n’espère pas que tout mon amour, ni tout mon respect puissent jamais me rendre digne de cette confiance inestimable ; mais je puis au moins lever les yeux sur le noble visage de celui que j’ai vénéré comme un père, aimé comme un mari, respecté depuis les jours de mon enfance comme un ami et déclarer solennellement que, jamais dans mes pensées les plus passagères, je ne vous ai fait tort, que je n’ai jamais varié dans l’amour et la fidélité que je vous dois ! »

Elle avait jeté ses bras autour du cou du docteur : la tête du vieillard reposait sur celle de sa femme, ses cheveux gris se mêlaient aux tresses brunes d’Annie.

« Gardez-moi, pressée contre votre cœur, mon mari ! ne me repoussez jamais loin de vous ! ne songez pas, ne dites pas qu’il y a trop de distance entre nous ; mes imperfections seules nous séparent, je le sais mieux tous les jours ; et je