vous en aime toujours davantage. Oh ! recueillez-moi sur votre cœur, mon mari, car mon amour est bâti sur le roc, et il durera éternellement. »
Il y eut un long silence. Ma tante se leva gravement, s’approcha lentement de M. Dick, et l’embrassa sur les deux joues. Cela fut fort heureux pour lui, car il allait se compromettre ; je voyais le moment où, dans l’excès de sa joie, en face de cette scène, il allait certainement se tenir sur une jambe et sauter à cloche-pied.
« Vous êtes un homme très-remarquable, Dick, lui dit ma tante d’un ton d’approbation très-décidé ; et n’ayez pas l’air de me dire jamais le contraire, je le sais mieux que vous ! »
Puis, ma tante le saisit par sa manche, me fit un signe, et nous nous glissâmes doucement, tous trois, hors de la chambre.
« Voilà qui calmera notre militaire amie, dit ma tante ; cela va me procurer une bonne nuit, quand je n’aurais pas, d’ailleurs, d’autres sujets de satisfaction.
— Elle était bouleversée, j’en ai peur, dit M. Dick, d’un ton de grande commisération.
— Comment ! avez-vous jamais vu un crocodile bouleversé ? demanda ma tante.
— Je ne crois pas avoir jamais vu de crocodile du tout, reprit doucement M. Dick.
— Il n’y aurait jamais eu la moindre chose sans cette vieille folle, dit ma tante d’un ton pénétré. Si les mères pouvaient seulement laisser leurs filles tranquilles, quand elles sont une fois mariées, au lieu de faire tant de tapage de leur tendresse prétendue ! Il semble que le seul secours qu’elles puissent rendre aux malheureuses jeunes femmes qu’elles ont mises au monde (Dieu sait si les infortunées avaient jamais témoigné le désir d’y venir !), ce soit de les en faire repartir le plus vite possible ; à force de tourments ! Mais à quoi pensez-vous donc, Trot ? »
Je pensais à tout ce que je venais d’entendre. Quelques-unes des phrases dont on s’était servi me revenaient sans cesse à l’esprit : « Il n’y a pas de mariage plus mal assorti, que celui où il y a si peu de rapports d’idées et de caractère… Le premier mouvement d’un cœur indiscipliné !… Mon amour est bâti sur le roc. » Mais j’arrivais chez moi ; les feuilles séchées craquaient sous mes pieds, et le vent d’automnesifflait.