Maintenant nous sommes au soir ; je suis assis dans le même fauteuil, auprès du même lit, le même doux visage tourné vers moi. Nous avons gardé un moment le silence ; elle me sourit. J’ai cessé de transporter chaque jour dans le salon mon léger fardeau. Elle ne quitte plus son lit.
« Dody !
— Ma chère Dora !
— Ne me trouvez pas trop déraisonnable, après ce que vous m’avez appris l’autre jour de l’état de M. Wickfleld, si je vous dis que je voudrais voir Agnès ? J’ai bien envie de la voir !
— Je vais lui écrire, ma chérie.
— Vraiment ?
— À l’instant même.
— Comme vous êtes bon, David ! soutenez-moi sur votre bras. En vérité, mon ami, ce n’est pas une fantaisie, un vain caprice. J’ai vraiment besoin de la voir !
— Je conçois cela, et je n’ai qu’à le lui dire ; elle viendra tout de suite.
— Vous êtes bien seul quand vous descendez au salon maintenant, murmura-t-elle en jetant ses bras autour de mon cou.
— C’est bien naturel, mon enfant chérie, quand je vois votre place vide !
— Ma place vide ! Elle me serre contre son cœur, sans rien dire. Vraiment, je vous manque donc, David ? reprend-elle avec un joyeux sourire. Moi qui suis si sotte, si étourdie, si enfant ?
— Mon trésor, qui donc me manquerait sur la terre comme vous ?
— Oh, mon mari ! je suis si contente et si fâchée, pourtant ! Elle se serre encore plus contre moi, et m’entoure de ses deux bras. Elle rit, puis elle pleure ; enfin elle se calme, elle est heureuse.
« Oui, bien heureuse ! dit-elle. Vous enverrez à Agnès toutes mes tendresses et vous lui direz que j’ai grande envie de la voir. Je n’ai plus d’autre envie.
— Excepté de vous guérir, Dora.
— Oh ! David ! quelquefois, je me dis… vous savez que j’ai toujours été une petite sotte !… que ce jour là n’arrivera jamais !
— Ne dites pas cela, Dora ! Mon amour, ne vous mettez pas de ces idées-là dans la tête.