Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/365

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déconcerté, j’ai cru devoir, par discrétion, omettre deux points dans l’arrangement fort peu légal (car il ne faut pas se dissimuler qu’il est fort peu légal d’un bout à l’autre) de cette difficile question. Les billets souscrits par M. Micawber au profit d’Uriah, pour les avances qu’il lui faisait…

— Eh bien ! il faut les lui rembourser, dit ma tante.

— Oui, mais je ne sais pas quand on voudra s’en servir contre lui, ni où ils sont, reprit Traddles en écarquillant les yeux ; et je crains fort que d’ici à son départ, M. Micawber ne soit constamment arrêté ou saisi pour dettes.

— Alors il faudra le mettre constamment en liberté, et faire lever chaque saisie, dit ma tante. À quoi cela monte-t-il en tout ?

— Mais, M. Micawber a porté avec beaucoup d’exactitude ces transactions (il appelle ça des transactions) sur son grand-livre, reprit Traddles en souriant, et cela monte à cent trois livres sterling et cinq shillings.

— Voyons, que lui donnerons-nous, cette somme-là comprise ? dit ma tante. Agnès, ma chère, nous reparlerons plus tard ensemble de votre part proportionnelle dans ce petit sacrifice. Eh bien ! combien dirons-nous ? Cinq cents livres ? »

Nous prîmes la parole en même temps, sur cette offre, Traddles et moi. Nous insistâmes tous deux pour qu’on ne remît à M. Micawber qu’une petite somme à la fois, et que, sans le lui promettre d’avance, on soldât à mesure ce qu’il devait à Uriah Heep. Nous fûmes d’avis qu’on payât le passage et les frais d’installation de la famille, qu’on leur donnât en outre cent livres sterling, et qu’on eût l’air de prendre au sérieux l’arrangement proposé par M. Micawber pour payer ces avances : il lui serait salutaire de se sentir sous le coup de cette responsabilité. À cela j’ajoutai que je donnerais sur son caractère quelques détails à M. Peggotty, sur qui je savais qu’on pouvait compter. On pourrait aussi confier à M. Peggotty le soin de lui avancer plus tard cent livres sterling en sus de ce qu’il aurait déjà reçu au départ. Je me proposais encore d’intéresser M. Micawber à M. Peggotty, en lui confiant, de l’histoire de ce dernier, ce qu’il me semblerait utile on convenable de ne lui point cacher, afin de les amener à s’entr’aider mutuellement, dans leur intérêt commun. Nous entrâmes tous chaudement dans ces plans ; et je puis dire par avance qu’en effet la plus parfaite bonne volonté et la meilleure harmonie ne tardèrent pas à régner entre les deux parties intéressées.