Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/397

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

suis, qu’il me soit permis de le dire, une femme éminemment pratique. le sais que nous allons entreprendre un long voyage ; je sais que nous aurons à supporter bien des difficultés et bien des privations, c’est une vérité trop claire ; mais je sais aussi ce qu’est M. Micawber, je sais mieux que lui ce dont il est capable. Voilà pourquoi je regarde comme extrêmement important que M. Micawber comprenne sa position.

— Mon amour, répondit-il ; permettez-moi de vous faire observer qu’il m’est impossible de comprendre ma position dans le moment présent.

— Je ne suis pas de cet avis, Micawber, reprit-elle ; pas complètement du moins. Mon cher monsieur Copperfield, la situation de M. Micawber n’est pas comme celle de tout le monde ; M. Micawber se rend dans un pays éloigné, précisément pour se faire enfin connaître et apprécier pour la première fois de sa vie. Je désire que M. Micawber se place sur la proue de ce vaisseau, et qu’il dise d’une voix assurée : « Je viens conquérir ce pays ! Avez-vous des honneurs ? avez-vous des richesses ? avez-vous des fonctions largement rétribuées ? qu’on me les apporte : elles sont à moi ! »

M. Micawber nous lança un regard qui voulait dire : il y a ma foi beaucoup de bon dans ce qu’elle dit là.

« En un mot, dit mistress Micawber, du ton le plus décisif, je veux que M. Micawber soit le César de sa fortune. Voilà comment j’envisage la véritable position de M. Micawber, mon cher monsieur Copperfield. Je désire qu’à partir du premier jour de ce voyage, M. Micawber se place sur la proue du vaisseau, pour dire : « Assez de retard comme cela, assez de dés- appointement, assez de gêne ; c’était bon dans notre ancienne patrie, mais voici la patrie nouvelle ; vous me devez une réparation ! apportez-la-moi. »

M. Micawber se croisa les bras d’un air résolu, comme s’il était déjà debout, dominant la figure qui décorait la proue du navire.

« Et s’il comprend sa position, dit mistress Micawber n’ai-je pas raison de dire que M. Micawber fortifiera le lien qui l’unit à la Grande-Bretagne, bien loin de l’affaiblir ? Prétendra-t-on qu’on ne ressentira pas jusque dans la mère patrie, l’influence de l’homme important, dont l’astre se lèvera sur un autre hémisphère ? Aurais-je la faiblesse de croire qu’une fois en possession du sceptre de la fortune et du génie en Australie, M Micawber ne sera rien en Angleterre ? Je ne suis qu’une