Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/412

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Le second garçon me dit à l’oreille que ce vieux gentleman était un homme d’affaires retiré qui demeurait dans le square ; qu’il avait une grande fortune qui passerait probablement après lui à la fille de sa blanchisseuse ; on disait aussi qu’il avait dans son bureau un service complet d’argenterie tout terni faute d’usage, quoique de mémoire d’homme on n’eût jamais vu chez lui qu’une cuiller et une fourchette dépareillées. Pour le coup je regardai décidément Traddles comme perdu, et ne conservai plus pour lui la moindre espérance. Comme cela ne m’empêchait pas de désirer avec impatience de voir ce brave garçon, je dépêchai mon dîner, de manière à ne pas me faire honneur dans l’estime du chef de la valetaille, et je me dépêchai de sortir par la porte de derrière. J’arrivai bientôt au n° 2 dans la cour, et je lus une inscription destinée à informer qui de droit, que M. Traddles occupait un appartement au dernier étage. Je montai l’escalier, un vieil escalier délabré, faiblement éclairé, à chaque palier, par un quinquet fumeux dont la mèche, couronnée de champignons, se mourait tout doucement dans sa petite cage de verre crasseux.

Tout en trébuchant contre les marches, je crus entendre des éclats de rire ; ce n’était pas un rire de procureur ou d’avocat, ni même celui d’un clerc d’avocat ou de procureur, mais de deux ou trois jeunes filles en gaieté. Mais en m’arrêtant pour prêter l’oreille, j’eus le malheur de mettre le pied dans un trou où l’honorable sooiété de Gray’s-inn avait oublié de faire remettre une planche ; je fis du bruit en tombant, et quand je me relevai, les rires avaient cessé.

Je grimpai lentement, et avec plus de précaution, le reste de l’escalier ; mon cœur battait bien fort quand j’arrivai à la porte extérieure où on lisait le nom de M. Traddles : elle était ouverte. Je frappai, on entendit un grand tumulte à l’intérieur, mais ce fut tout. Je frappai encore.

Un petit bonhomme à l’air éveillé, moitié commis et moitié domestique, se présenta, tout hors d’haleine, mais en me regardant effrontément, comme pour me défier d’en apporter la preuve légale.

« M. Traddles est-il chez lui ?

— Oui, monsieur, mais il est occupé.

— Je désire le voir. »

Après m’avoir examiné encore un moment, le petit espiègle ne décida à me laisser entrer, en ouvrant la porte toute